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Marcel Dadi - les dernières confidences

Avant de partir vers Nashville, recevoir l'étoile sur l'allée des stars du Country Hall of Fame, Marcel Dadi nous avait confié de nombreux éléments de son passé, du présent et du futur. Ses derniers mots résonnent douloureusement à nos oreilles.

Que représente, à vos yeux, la récompense que vous allez recevoir aux USA ?

Habituellement, je ne suis pas trop concerné par les honneurs et les récompenses. Là c'est complètement différent. J'en suis fier pour plusieurs raisons. Tout d'abord, c'est la première fois qu'un artiste étranger reçoit cette récompense aux USA. Ensuite, le simple fait de voir mon nom à côté de mes maîtres me comble à un niveau qu'il est difficile d'imaginer. Enfin, il est important pour moi de montrer que la Country music et le jeu de picking possèdent un vrai public, et ce tant aux USA que dans le monde entier. D'ailleurs, le succès des associations Atkins/Dadi en France en Italie ou en Finlande corroborent ce qui a toujours voulu être ignoré par une certaine partie du show business.

C'est donc une revanche et une action de militant qui trouve là son aboutissement ?

Là mon ami tu es complètement à côté de la plaque. Je n'ai aucun esprit de revanche ni de rancune. Ce n'est pas dans mon caractère. Que la presse et le milieu musical soient préoccupés par le rock et ses ramifications relève tout simplement d'une certaine demande du public. Mais en y regardant bien, nombreuses sont les publications qui consacrent quelques page à la guitare acoustique, au blues et à la country music. D'ailleurs, « Guitare Planète » n'est pas la dernière en la matière si je ne m'abuse. Par ailleurs, je ne suis pas militant. Tout au plus un fervent pratiquant et un enseignant. Il est un peu normal que je prêche pour « ma chapelle ».

Quand avez vous découvert votre vocation ?

De musiciens ou du picking ?

A votre choix.

J'ai commencé la guitare à l'époque où les Shadows faisaient fureur. J'étais en CM2 à l'école Jean Moulin de Choisy le Roi. C'est mon frère Michel, plus âgé que moi, qui eut la bonne idée de pousser mes parents à acheter une guitare. Lui-même y avait été poussé par des amis du Collège Joliot Curie à Orly (il était en 5e ) pour pouvoir fonder un petit orchestre qui, faute d'instruments, avait au moins un nom " Les Crackers ". Tous ensemble ils allèrent apprendre la guitare chez "Monsieur Michaud" qui donnait ses cours dans l'arrière boutique de son magasin de musique. Ses compères s'appelaient Jean-Louis Desumeur (guitare rythmique), Christian (basse) et Larbi Benaziza (batterie). Je me souviens de mon frère nous montrant la première gamme de DO qu'il venait d'apprendre. Mon autre frère, Max, musicien avant nous, jouait déjà de l'harmonica (façon Albert Raisner) et du Mélodica. Il fut le premier à "faire sortir" un morceau "L'Eau Vive". Si son tube au Mélodica était Petite Fleur", son tube à la guitare devint "Jeux Interdits". J'étais en fait le moins doué de la famille...

Ainsi, c'est certainement «pour faire comme les grands frères » et aussi par esprit de compétition, que je me suis mis à la guitare à mes heures perdues, c'est-à-dire tout le temps où je n'étais pas à l'école. J'ai alors fondé moi-même mon orchestre avec des copains André Assouline (rythmique), Joseph Illouz (basse) et Maurice Levy (batterie). La distribution des rôles avait été tiré au sort et nos instruments étaient plutôt folkloriques. La basse de Joseph était une mandoline en forme de guitare dont il avait supprimé quatre cordes. De basse elle n avait que le nom. La batterie de Maurice se résumait à un tom médium dont la peau était fixé par des punaises (il faisait office de caisse claire) et à une cymbale tonitruante. Ma guitare était une guitare "sèche", comme on le disait à l'époque, avec des cordes en métal malgré son aspect classique. Elle avait un fond bombé de couleur sunburst et la table arborait une petite plaque noire incrustée d'une superbe marguerite. C'est Dédé qui avait la plus belle guitare une guitare forme Django, en érable avec un vibrato genre Bigsby. équipée de deux micros flottants solidaires de la plaque de protection où étaient fixés les contrôles de volume et de tonalité. Si je me souviens bien, le sélecteur de micros était du type "varitone" à trois positions. Les répétitions avaient lieu dans les caves du bâtiment de l'Allée Jacques Carrier où nous habitions tous. Notre premier passage sur scène eut lieu sous un chapiteau itinérant: "Le chapiteau Kiravi " du nom de la marque du vin qui devait sponsoriser cette manifestation. Il y avait outre les jeux et animations diverses, un concours d'orchestres où nous nous étions inscrits. Mon frère e son orchestre aussi. Ils passèrent avant nous. Ils jouaient aussi du Shadows et ils avaient bien entendu choisi les mêmes morceaux que nous. J'en pleurais véritablement de dépit et je voulais partir pour ne pas être la risée du public. En fin de compte, j'acceptai de monter sur scène grâce aux encouragements des autres membres du groupe. Nous sommes arrivés premier, juste devant l'orchestre de mon frère. Ce n'était pas mérité car ils jouaient vraiment mieux que nous. Cette soirée reste un souvenir vivant en moi. C'était la première fois que je jouais sur une guitare électrique et un amplificateur; j'avais 12 ans. A ce stade, vous n'interprétiez pas de morceaux de style Nashville ou de Picking?

J'y viens Une ou deux fois par semaine mes parents m autorisaient à aller avec des copains plus âgés que moi, et parfois seul, au "Club des Chemises Rouges" à Orly. Je n'étais pas toujours fier lorsque je traversais le terrain vague devant chez moi et les cités mal éclairées. Il m'arrivait souvent de siffloter lorsque je rencontrais un passant ou un chien égaré.

Les Chemises Rouges, c'était un super orchestre, super équipé. Le chef du groupe était Willy, le batteur. Le guitariste d'accompagnement, "Michel", jouait sur une magnifique "Ohio" bleu pailleté, dont j'ai appris plus tard qu'elle était fabriquée par les frères Jacobacci pour les établissements Major. Mais entre tous. c'était le soliste qui focalisait le plus mon attention. Il faut dire que son matériel suffisait à me faire rêver une magnifique Fender Jazzmaster et un amplificateur Vox. Il s'appelait Bernard Photzer. Son jeu était fantastique. Il jouait - me dit-on - "style Nashville". C'était la première fois que je voyais quelqu'un "tirer" sur ses cordes avec la main gauche. Le son obtenu était fabuleux. C'était du Rock & Roll le plus pur. Avec les Chemises Rouges j'allais découvrir les répertoires d'Elvis Presley, de Gene Vincent, d'Eddy Cochran etc... Avec mes amis du groupe, aussi subjugués que moi, nous mimions le jeu de jambes et les mouvements du corps qui semblaient aussi importants que la musique si on voulait être de vrais Rockers! Je n'avais de cesse d'apprendre ce nouveau style et c'est Bernard Photzer lui-même qui m'en enseigna les rudiments. J'étais encore un débutant quand Bernard était déjà un guitariste confirmé. Peu de temps après il devait devenir le soliste du "Skiffle Group" d'Hugues Aufray. C'est alors que je l'ai perdu de vue.

Vous avez donc évolué vers ce nouveau style ?

Pas tout de suite. J'ai d'abord été récupéré par un orchestre de Thiais "mieux équipé" où l'on m'a prêté une guitare électrique. Une Höfner demi-caisse équipée d'un seul micro. Quelques temps après. son propriétaire. Jacky Labeau (guitare rythmique), me l'a vendue trois cents francs lorsqu'il s'est offert le tout dernier modèle Höfner 3 micros, gainé de cuir rouge, copie strato avec trois micros humbuckers genre Gibson. C'était un événement Les amplis étaient des Merlaud. Il y avait également Jean Eric Chabert, avec une Kent sunburst, Michel à la basse sur une petite Höfner à pan coupé (il n avait pas pu trouver celle à forme violon comme Paul Mc Cartney). Nous répétions chez Jacky. Aux beaux jours, ses parents nous donnaient le droit d'utiliser le garage, ce qui ne faisait pas toujours plaisir aux voisins!

Puis, l'orchestre de Thiais devint les "Royers", pour accompagner le chanteur Francky Strad qui lui habitait une tour de quinze étages à Orly. De son vrai nom François Lapleau. Franckv Strad était un grand fan de Johnny. Du coup. je connaissais tout le répertoire de l'époque de Johnny et des Showmen. Nos répétitions se faisaient souvent au "Ranch", une maison des Jeunes d'Orly, derrière le Framprix du petit centre commercial de la Cité. Dani Darras nous avait rejoint au clavier et Tony à la batterie. Je me souviens de notre magistral arrangement de « Dont let me be misunderstood » des Animals, avec une intro classicisante par Dani sur son piano électrique Höhner. Evidemment, comme la plupart des chanteurs de l'époque, François Lapleau chantait les textes anglais en yaourt.

Un Vendredi soir, nous avons participé au célèbre Tremplin du Golf Drouot. C'est Michel, le bassiste qui nous avait inscrit à ce célèbre concours d'orchestres. Pour faire bon impression, il m'avait loué une superbe Strarocaster Fender Fiesta Red. . Le niveau des groupes était redoutable, et je crois que jamais de ma vie je n'avais vu autant de belles guitares "en vrai". Surtout cette superbe Gretsch de couleur orange. Je me souviens aussi du groupe "Les Rockers" avec un guitariste au crâne rasé qui pouvait très bien être Jacques Mercier. J'étais sûr qu'ils allaient être les gagnants, d'autant plus que nous avions été minables.

Quand on nous a annoncé gagnants, je n en croyais pas mes oreilles! Michel avait détourné un gros paquet de bulletins de vote lors de la distribution dans le public et y avait inscrit notre nom. Nous n'avons pas osé remonter sur scène pour recevoir notre prix, et je n'ai plus jamais remis les pieds au Golf Drouot de ma vie.

En rentrant ce soir là, j'ai cru que le Ciel voulait me donner une leçon. En effet, après avoir remonté tout le matériel chez François, où nous l'entreposions, on s'est aperçut de la disparition de ma Strato en location. Elle avait été laissée en bas sur la pelouse, chacun pensant que quelqu'un d'autre l'avait monté. Bref, elle n'était plus là. Comment allions nous rembourser le magasin ? J'étais affolé. Le lendemain, j'ai appris qu'elle avait été retrouvée. Un vieux monsieur passant par là lavait emporté chez lui pour la déposer le lendemain chez le gardien... Puis est venu le temps de la séparation. J'ai alors remonté un nouveau groupe avec des débutants de Vitry rencontrés au Ranch. Ça s'appelait "Rocky et les Strangers", avec à la batterie... Jean Marc Cerrone, âgé à peine de douze/treize ans et son frère Serge à la basse. Nous étions en 66-67 et je formais tout ce petit monde au répertoire avant-gardiste des Cream, d'Hendrix et du Spencer Davis Group, autant qu'aux bons vieux classiques des Stones ou des Animals. J'avais échangé ma Télécaster contre une Gibson 345 Stéréo que je branchais sur mon ampli Fender Bandmaster. Nous écumions les clubs de la région : le "Café du Commerce , le "Plavboy", et bien d'autres où nous mettions une ambiance à tout casser les samedis soirs et les dimanches en matinée.

Inutile de dire que le lundi marin, sur les bancs de l'école. ce n'était pas la joie... Si on ajoute les deux répétitions au Ranch, le soir dans la semaine, on comprend mieux pourquoi j'ai dû redoubler ma Seconde au Lycée de Thiais. Mes parents, tout naturellement me supprimèrent toutes mes escapades nocturnes, sans pour autant m'interdire la pratique de la guitare : "Tu n'as qu'à jouer de la guitare seul à la maison ; plus question de groupes! Ton Bac d'abord, un diplôme ensuite. Après tu feras tout ce que tu voudras ". Christian Itier récupéra sa superbe 345 et me rendit ma Télécaster.

C'était donc la fin des haricots ?

Pas tout à fait, je crois même que ce fut une chance. Vers treize ans, j'ai fait la connaissance de Bernard Laux. Bernard faisait des voyages réguliers en Angleterre et il était au courant bien avant nous de ce qui n'arrivait en France que six mois ou un an plus tard. Il a ramené un disque de Bob Dylan, une Gibson J45 sunburst, un porte-harmonica et de fabuleux petits harmonicas "Blues", "Super Vampers" fabriqués par Höhner. Et grâce à son porte-harmonica il a pu jouer en même temps des deux instruments. J'étais emballé. Il me fallait à tout prix cette panoplie ! Une fois acquise je me suis entraîné à jouer "Blowing in the wind", "The girl from the north country". J'ai même fixé un tambourin entre mes genoux pour faire le rythme. C'était l'époque où Hugues Aufray nous faisait aussi découvrir Bob Dylan avec son célèbre album "Aufray chante Dylan". C'est aussi l'époque où Antoine chantait avec sa Martin et son porte-harmonica ses célèbres "élucubrations" (Oh Yeh !).

Pour moi il n'était pas encore question de picking. Ce qui me frappait le plus dans l'album d'Hugues c'était sans doute la façon dont jouait le banjoïste Harry - un américain - sur ce que je croyais être un banjo à 4 cordes. J'essayais d'imiter son jeu spectaculaire dans "Hey Monsieur l'Homme Orchestre" (Mr Tambourine man).

Quelques temps après lors d'une nouvelle rencontre avec Bernard Laux, j'ai eu le plus grand choc de ma vie. Il avait découvert un certain Chet Atkins et vite fait l'acquisition de quelques uns de ses disques. Il m'expliqua que ce guitariste inconnu jouait à la fois les basses et la mélodie... Impensable Pourtant, il m'en donna la preuve à travers un "Windy And Warm" très approximatif que lui avait enseigné un certain... Bernard Photzer... Et devinez qui jouait de la guitare électrique dans « Aufray chante Dylan » ? Encore Bernard Photzer! Décidément, ce dernier était toujours en avance sur son temps. Et puis j'ai vu Joe Dassin à la télévision jouer "Freight Train" et expliquer le principe du Picking...

Comme je ne possédais pas de tourne-disque, mon ami accepta d'enregistrer les meilleurs morceaux de Chet sur mon magnétophone Radiola. Il fit une sélection de titres parmi les quelques albums qu'il détenait : "Mv Favorite Guirars", "Down Home", "Guitar Countrv", "The Best of Chet Atkins" et "Workshop". A travers cette sélection, je n'ai eu qu'une idée très "picking" du style de Chet qui, j'allais le découvrir, était plus éclectique. J'ai travaillé comme un fou sur ces quelques enregistrements en essayant d'en reproduire tous les détails. Évidemment ce que je croyais être une réplique exacte n'était qu'une approche approximative car mon oreille musicale" n'était pas encore assez formée pour réussir à capturer toutes les finesses du jeu de Chet. Il faut dire que l'écoute médiocre sur mon petit magnétophone Radiola ne m'aidait pas vraiment non plus.

Avec ce maigre bagage, j'ai monté un trio en compagnie d'Albert Lahiani et Sammy, tous deux d'Orly, commune très proche de la mienne. Nous faisions des arrangements sur les quelques titres de Chet que je connaissais, mais aussi sur d'autres morceaux comme " Maria Elena " des Indios Tabajaras. C'était uniquement pour le plaisir, et je n'ai pas gardé le moindre souvenir d'une quelconque participation de notre trio à un spectacle. Albert était très versé dans le Classique - il finissait l'Ecole Normale de Musique - et c'est lui qui m'initia au Trémolo de " Recuerdos de la Alhambra" et aux Préludes de Bach que je déchiffrais péniblement en comptant les lignes sur la portée pour définir la hauteur de chaque note. Pour le rythme, je ne pouvais pas me tromper, c'était toujours le même au sein de chaque morceau. Albert, qui donnait des cours à la maison des jeunes de la Voie des Saules, m'invita à y participer. Je fus un très mauvais élève, ne travaillant pas suffisamment entre les cours. J'étais visiblement fâché avec le buté, et au bout de trois leçons, j'ai décidé de rester un autodidacte pur... Mes difficultés de déchiffrage à l'écoute allaient être sensiblement réduites. Mon frère Max travaillait pendant les vacances d'été au BHV à Paris pour nous offrir enfin une vrai chaîne HI-FI avec son salaire. Passionné par la hi-fi, il fabriqua lui-même les baffles selon une conception originale. Elles étaient d'une qualité étonnante. J'allais enfin avoir "mes disques" de Chet. Avec l'aide de mes parents, j'ai alors pu m'offrir mes quatre premiers albums, trouvés à la Fnac Châtelet (l'autre filon se trouvant sur les Champs-Elysées à Lido Musique) :"Guitar Genius", "Workshop", "Pîcks on the Beatles" et "Picks the Best". Les autres allaient suivre, dès que mes maigres économies me le permettraient.

Près de deux ans après l'enregistrement sur bande des premiers titres de Chet, j'ai rencontré par hasard Bernard Photzer. Il m'a reconnu, et après l'évocation de nos quelques souvenirs concernant le Club des Chemises Rouges, il m'a proposé de le rencontrer le dimanche suivant chez lui. En fait, il habitait la même cité que Bernard Laux et moi-même, à peine à 500 m!

Ce fameux dimanche allait marquer ma carrière future. Bernard ne savait pas que j'avais travaillé sur les morceaux de Chet. Il en fut extrêmement surpris. J'allais l'être à mon tour "Tu mérites que je te fasse écouter ça" me dit Bernard. Il a mis sur la platine un disque de Merle Travis "Walking the strings". J'ai été estomaqué ! Chet n'était donc pas le seul à savoir jouer comme cela... Puis ce fut le tour de Doc Watson et de Jerry Reed. Tout le même jour. C'était trop ! Comme si Bernard avait compris mon désarroi, il m'a lancé : "Tu en feras meilleur usage que moi". Il m'a vendu tonte sa collection pour la somme symbolique de 100,00 Frs. Je ne les avais pas. Il m'a fait crédit.

Aujourd'hui encore je ne sais comment remercier Bernard de sa gentillesse hors du commun. Il faut dire qu'il est encore l'un de mes seuls vrais amis. A partir de ce jour, le Finger Picking est devenu le seul centre d'intérêt pour moi (je ne pouvais plus sortir) et je m'attachais a redécouvrir le système de ce style de jeu.

A quelle époque vous êtes vous remis à jouer en groupe ou seul sur scène ?

Tout a commence un soir. J'allais jouer au célèbre "Hootenanny" de Lionel Rocheman, au centre américain, Boulevard Raspail. C'était en juin 1970 et je passais mon baccalauréat . Depuis plus de trois ans, mon seul instrument était une Martin D18 achetée neuve chez Victor Flore qui venait tout juste de s'installer rue Pigalle. En 67, dans le fameux quartier de Pigalle, il n'y avait pas autant de magasins qu'aujourd'hui. On les comptait sur les doigts de la main : le magasin d' André Le Prêtre, celui de Lue Mettler, tout deux sur le Boulevard de Clichy celui de monsieur Nicolli, rue Victor Massé...

J'avais acheté cette Martin par amour pour le style de Doc Watson dont j'avais les premiers disques et que je connaissais quasiment par coeur. Auparavant, je possédais une Gibson acoustique J50 (comme celle de John Renbourn sur le disque "Another Monday"). Pour convaincre mes parents qu'il me fallait à tout prix une Martin comme Doc Watson, j'avais fini par trouver tous les défauts à cette chère guitare Gibson qui pourtant "était certainement la meilleure guitare du monde" le jour où mes parents me l'avait achetée dans une vente aux enchères pour la somme ridicule de trois cents francs.

La Martin leur en a coûté trois mille. Évidemment j'avais dû revendre ma Gibson qui avait trouvé rapidement acquéreur à cent cinquante francs. Ma Fender Telecaster fut, elle, bradée à cent francs. Pour obtenir les cinq cents Francs manquant je m'étais séparé à grands regrets de quelques disques de Chet, en me disant que je les rachèterai au plus vite. C'est ce que je fis. Il faut dire qu'en -ces années-là, on trouvait assez facilement les disques de Cher à Paris, en import. Les disques "Chet All The Way" et "Guitares aux Caraïbes" étaient même en pressage français. On devait ce bonheur à un certain Marc Exiga...

C'est donc avec ma mère que je suis partis glorieusement à Paris acheter ma Martin. La veille j'avais rendu visite au magasin de Victor Flore pour la choisir et la réserver. Pensez-vous Pas question d'essayer Si on ne montrait pas les sous. Il faut dire que j'avais à peine seize ans et on n'avait pas dû me prendre au sérieux... Evidemment, le lendemain, accompagné de ma maman, on me fit la révérence. Les choses ont bien changé aujourd'hui. On peut tout essayer sans aucun problème. Question de mentalité de l'époque sans doute.

J'habitais encore Choisy-le-Roi, au Sud de Paris, lorsque j'ai eu le bonheur d'assister et de participer à mon premier Hootenanny. C'est Jean-Eric Chabert qui m en avait offert l'opportunité. N'ayant pas moi-même le permis de conduire - aucun membre de ma famille non plus - j'étais vraiment séquestré dans ma banlieue le soir après 20 h 00. Pas de métro à Choisy et les autobus s'arrêtaient à cette heure là. Jean Eric m'avait décrit l'ambiance extraordinaire de ce spectacle complètement improvisé où il suffisait de s'inscrire à l'entrée pour participer. La participation donnait droit à l'entrée gratuite. Les spectateurs, eux, s'acquittaient de la modique somme de trois Francs

"Pourquoi n'irais-tu pas y jouer?" m'a t-il dit. "Tout seul ?" pensai-je à voix haute...

"Les gens vont trouver ma façon de jouer banale, car au Centre Américain çà doit être rempli d'américains pour qui ce style n'a pas de secret... Il insista tant qu'en fin de compte je me suis décidé, mais à condition qu'il m'accompagne sur deux morceaux de Doc Watson que je connaissais alors sur le bout des doigts : "Nothing to it" et "Sweet Georgia Brown". Ceux-là au moins étaient des morceaux spectaculaires par leur rapidité et avec lesquels nous ne serions pas ridicules.

Lionel Rocheman nous appela vers le début de la première partie du spectacle. En tant que nouveaux venus, on commençait par jouer un morceau et si le public aimait, on avait la chance d'en jouer un deuxième. C'est ce qui se passa. Ma Martin elle-même faisait sensation Il faut dire que même au Centre Américain c'était une chose fort rare. Ce soir là, il n'y avait d'ailleurs pas d'américains du tout...

Comme les deux morceaux étaient finis et que le public - visiblement pas du tout habitué à ce style - en redemandait; Lionel nous proposa d'en jouer un troisième. Manque de chance, nous n'en avions répété que deux Jean-Eric prit la balle au bond et assura que "je pouvais en jouer un tout seul" devant un Lionel Rocheman visiblement interloqué. C'est avec une pointe d'ironie qu'il annonça, en agitant le pouce comme un auto-stoppeur: " Il va en jouer un tout seul ". Je compris par la réaction du public que cela avait quelque chose d'invraisemblable et que tout compte fait personne ne devait avoir entendu de Picking" de près ou de loin.

Sans plus attendre j'ai entamé "Windv and Warm". Le morceau reçut une véritable ovation. Lionel, qui ne perdait pas le Nord, proposa que l'on me retrouve, malgré le rappel, " à la fin de la deuxième partie pour finir la soirée ". C'était la consécration pour le petit banlieusard que j'étais. Quand avez-vous commencé à enseigner au Folk Center?

A l'entracte, Lionel Rocheman m'a proposé sans ambages d'enseigner mon style dans son Folk-Center. Je n'étais pas professeur mais cela ne me faisait pas peur. Le seul ennui, c'était cette fichue banlieue et mes problèmes de locomotion. J'en parlais à Lionel qui en fut visiblement contrarié, tout en maintenant sa proposition : " de toute façon la rentrée ne se fera qu'en Septembre, d'ici là tu auras peut-être trouvé une solution. J'ai passé mon Bac (D) que j'ai obtenu avec une petite moyenne. C'était suffisant pour ce que je voulais faire : entrer à l'école de kinésithérapie de la rue d'Assas à Paris.

Coïncidence ? Bonne fortune ? Doigt de Dieu ? On peut appeler ça comme on veut : au mois de Juillet mes parents ont décidé d'aller habiter à Paris, dans le 10ème , où ils ont pu acheter un appartement. Fini les H. L. M. de Choisy-le-Roi ! Fini la séquestration banlieusarde ! Vivent les Hootenannies tous les mardi et vivent les cours de guitare au Folk Center. Le fait est que ce déménagement tombait à point pour moi. J'entrai à l'école de Kinésithérapie pour trois ans. Après les cours, qui avaient lieu à côté de l'hôpital du Val de Grâce. je filais au 64 avenue d'Italie pour "enseigner" au Folk Cenrer. Les affiches "Dadi a dit" fleurirent sur les murs de Paris et les élèves vinrent nombreux. Lionel faisait beaucoup de propagande à son nouveau professeur. Les inscriptions se faisaient presque routes sur place, pendant l'entracte du Hootenanny. J'avais le parfait physique de ma condition d'étudiant. Petite barbe d'adolescent libéré, jean et boots anglaises achetés aux Puces, blazer décontracté et écharpe de couleur vive (jaune). J'étais heureux et comblé.

Quelle méthode d'enseignement pratiquiez-vous?

L'enseignement en lui-même me posa quelques petits problèmes... Je ne connaissais pas le solfège et ne pouvais donc pas l'enseigner. Comment faire passer mon enseignement ? Au début, j'essayais de faire retenir les exercices par coeur à mes élèves. Certains les retenaient, mais d'une semaine sur l'autre, d'autres les avaient oublié en partie, remodelés... Bref, c'était catastrophique. L'étude des morceaux allait se montrer ardue ! Il fallait à tous prix que je trouve un système d'écriture leur permettant de mémoriser ce que je tentais d'enseigner.

L'idée m'est alors venu de procéder par diagrammes. Plutôt que d'annoncer les cordes pour un chiffre, pourquoi ne pas tout simplement les représenter par des lignes (donc six lignes) sur lesquelles viendraient s'inscrire les cases. On ne jouerait bien sûr que les cordes "porteuses" d'un chiffre, la lecture se faisant de gauche à droite comme sur une vraie portée. Tout changement d'accord était marqué par un trait vertical de séparation. Les "crochets" marquaient les notes "plus rapprochées". Le diagramme pouvait être réutilisé à titre indicatif ou pour désigner la position d'accord à celui qui ne la connaissait pas déjà.

Ce n'était pas déjà des tablatures ?

Non. Petit à petit, en rassemblant mes faibles réminiscences de solfège apprises au Collège et en compagnie d'Albert, (j'étais fort en dictée musicale mais trop fainéant pour retenir sérieusement quoi que ce soit à cette époque reculée), j'appliquais à mon nouveau système la notion de mesures à 4 temps, puis la division correcte de chaque temps en croches, doubles croches et non plus "crochets". Ce système d'écriture n'avait pas de nom... Jusqu'au jour où un de mes nouveaux élèves, loin d'être étonné par ce système révolutionnaire, m'annonça froidement que "c'était une tablature et que des bouquins sortis en Amérique utilisaient déjà cette méthode"... "Et que de toute façon. les tablatures existaient depuis plusieurs siècles". Je tombais de haut.

Immédiatement, je me suis mis sur la piste de ces fameux bouquins "américains et j'en ai fait l'acquisition. C'était les fameux "Oak Publications" et entre autres le bouquin de Happv Traum,"Finger-picking techniques". Les morceaux qui y figuraient étaient présentés selon des arrangements assez simplets mais j'étais heureux de découvrir que Merle Travis y figurait en bonne place comme " l'inventeur " du style. La transcription de son "Nine Pound Hammer ne correspondait d'ailleurs en rien à la version de Merle Travis. Je n'ai eu cette méthode entre les mains que vers la fin de 1971.

De quelle manière avez vous participé au Folk Club Quincampoix?

Ma découverte des tablatures coïncida avec ma rencontre des frères Charnoz qui venaient de s'installer un magasin au 38 rue Quincampoix. Leurs affaires étaient loin d'être florissantes et mon intérêt pour le "Folk" allait les convaincre de s'y intéresser au niveau commercial. Ils commandèrent donc toute une série de recueils que je recommandais à mes élèves en toute bonne foi. Ils choisissaient les méthodes ou songbooks qui leur plaisaient parmi une sélection d'échantillons que je conservais en permanence. Je prenais les commandes et en assurais la livraison la semaine suivante. Leur disponibilité pour la première fois en France était une véritable aubaine pour les pickers. Parallèlement, je commençais à donner aussi des cours au magasin.

Dans le même esprit, j'ai fais la sélection de certaines marques de guitares existant soit en France soit à l'étranger. C'est ainsi que je me suis mis à défendre les couleurs de la marque Ibanez, inconnue alors, à travers un de leurs premiers modèles que je trouvais particulièrement valable pour le prix, la copie de Jumbo (J200) Gibson. J'en utilisais une moi-même lors de mes passages au Hootenanny. Il faut dire que j'avais vendu ma Martin si chèrement désirée à un de mes élèves... Dominique Trépeau, qui se spécialisa par la suite dans la musique de John Renbourn. J'étais donc sans guitare "personnelle".

Mais le "Folk Club Quincampoix" nouvellement baptisé (avant sa création il s'appelait "Centre Music-Halles" à cause de la proximité de ce quartier), me prêtait les instruments dont j'avais besoin. Plus tard, j'ai conseillé à Jean-Lue et Gérard Charnoz de se lancer dans l'importation des guitares Sada-Yairi et des guitares Guild. Ainsi, le "Folk Club Quincampoix" est devenu le Centre du Folk en France. Nous étions les premiers à proposer un choix si étendu d'instruments, de cordes DAngelico, Martin, Ernie Ball,) de recueils etc. Début 73. les cours dans l'arrière boutique du magasin avaient pris le pas sur ceux du "Folk Center" de Lionel Rocheman et je m'étais établi à mon compte, car au Centre américain, l'ancien secrétaire de Lionel avait pris sa place d'animateur du Hoot... L'esprit n'était plus le même, et beaucoup d' inconditionnels de la première heure avaient pris leurs distances par rapport à une entreprise qui sentait la récupération commerciale à plein nez. C'est dans ce nouveau lieu de cours que Michel Haumont est devenu mon élève. Bien des guitaristes accompagnant les grands noms de la variété fréquentaient assidûment tes cours à Quincampoix. La plupart m'ont gardé leur amitié, je pense entre autres à Henri Le Diset, guitariste de Marcel Amont qui a aujourd'hui une école de guitare à Brest. Michel est devenu mon ami et son initiation aux secrets du picking se poursuivait même chez moi, les dimanches où je lui révélais sans restriction tout mon savoir musical dans ce domaine".

Comment est née la Méthode à Dadi?

Rapidement, tes cours au Folk Center ont connu un succès débordant et je n'ai bientôt plus été en mesure de faire face à la demande. J'ai alors décidé de publier régulièrement mon enseignement. Le mardi soir, au " Hootenanny ", de plus en plus de gens venaient voir le "professeur" Dadi et j'ai compris que je ne pourrai pas maintenir longtemps ce rythme de vie: cours de Kiné dans la journée, puis cours de guitare jusque très tard le soir, de plus en plus tard... A l'époque, Rock & Folk était lu par pratiquement tous les musiciens. Deux rubriques m'intéressaient tour particulièrement: les Petites Annonces et "Les Fous du Folk" de Jacques Vassal. En matière de Folk, Jacques Vassal faisait figure de spécialiste et il m'a semblé que c'était lui qu'il faudrait approcher pour créer une rubrique d'enseignement "à l'échelon national". Jacques a tout de suite été séduit par l'idée et en a immédiatement parlé à la rédaction. Il a fallu les convaincre. C'est donc guitare sous le bras que nous nous sommes pointés dans les bureaux de la rue Chaptal pour y rencontrer Philippe Koechlin et Philippe Paringaux.

Ils n'étaient pas guitaristes, la tâche n'était donc pas aisée. Je leur ai proposé un maché: " Si j'arrive à vous faire déchiffrer un morceau en deux minutes, vous me donnez une page tous les mois pour ma rubrique. Au bout de deux minutes, grâce aux tablatures, les deux Philippe ont joué ( péniblement) "Au clair de la lune "... Le pari était gagné. Le mois suivant, Jacques Vassal proposa à ses lecteurs la première rubrique instrumentale en tablature du monde. L'idée a largement été reprise depuis, et pas seulement en France.

Déjà célèbre, mais vous n'avez encore rien enregistré ?

Fin 72, j'ai eu le bonheur de signer mon premier contrat d'enregistrement avec les Éditions Gérard Tournier. Le label était "AMI Records". Ce premier contrat, je l'avais décroché, sans trop y croire, grâce à un ami : Hervé Christiani. Lui-même avait enregistré un 45 tours sous ce même label. Je me souviens d'un après-midi passé chez Hervé où il m'avait proposé d'enregistrer quelques morceaux sur une bande pour qu'il puisse la faire écouter à son directeur artistique, Jean-Michel Gallois Montbrun. C'est ce même directeur artistique que j'ai rencontré quelques mois plus tard au Centre Américain. C'était l'époque du Hootenanny de Lionel Rocheman, où l'on pouvait rencontrer tous les mardis soir des artistes aujourd'hui célèbres : Maxime Le Forestier, Alan Stivell, Steve Waring, Roger Mason, Hervé Christiani, BilI Deraime, Gabriel Yacoub, Claude Lemesle, Alain Giroux, j' en passe et des meilleurs. A l'époque, ils ne faisaient qu'aiguiser leur talent et aucun d'entre eux n'avait encore fait de disque. Certains n'ont été reconnus par le grand public que tardivement. Peut-être grâce à une mélodie seulement. Les clefs du succès sont difficiles à saisir. On peut se consoler en pensant que la valeur finit toujours par convaincre. Ce n'est qu'une question de temps. Donc, Jean Michel Gallois-Montbrun, directeur artistique de Hervé Christiani est devenu également mon directeur artistique. Depuis longtemps, je rêvais de faire un disque. J'étais prêt. Mais je ne pensais pas que cela se ferait aussi simplement. Ça m'a même presque déçu...

"Voulez-vous faire un disque ?" M'a-t-on simplement demandé. J'ai dit "oui". "Alors on se téléphone et on prend rendez-vous". Inutile de vous dire qu'après ce genre de dialogue on a du mal à s'endormir J'ai passé la nuit entière à tourner et à retourner ces quelques mots. Et si j'avais mal compris

Et s'il changeait d'avis ? etc.

Comme vous le savez, tout s'est bien passé. Je crois que j'aurais signé n'importe quoi pour faire "Ce" disque. J'ai simplement signé un contrat type, déjà tout imprimé, où il fallait seulement remplir les "blancs" pour préciser la durée du contrat (3 ans) et les royalties (Oh Ce n'était pas grand chose mais il parait que c'était normal, que pour demander plus il fallait d'abord devenir un "môssieu").

J'ai même donné l'Édition de mes morceaux pour cette même durée (quand je vous dis que j'étais prêt à tout). En fait, Les Éditions Gérard Tournier et "Folk Club" (aujourd'hui "Quincampoix") s'étaient partagés cette édition. Folk-Club avait fait une commande ferme de 1000 disques qu'ils assuraient pouvoir vendre au magasin ou par correspondance. Après tout la rubrique "La Guitare à Dadi" marchait bien dans Rock & Folk. C'est même Philippe Paringaux - à l'époque Secrétaire de rédaction - qui avait baptisé ainsi ma rubrique. Ce fut tout naturellement le nom de mon premier disque. Cette première commande assurée, tout le monde avait l'esprit tranquille. Il n'était pas évident que ce premier disque marcherait. Le PDG. de la Société Discodis, monsieur Granjean, qui devait en assurer la distribution, n'y croyait pas du tout. Il avait même ri au nez de mon directeur artistique qui lui avait annoncé en avoir fait presser deux ou trois milles : "vous n'en vendrez pas cent chez les disquaires", affirma - t'il. Evidemment, ce disque n'avait rien de commercial. La musique était inconnue il n'y avait ni "La Playa", ni "Maria Elena", ni "Guitar Boogie", ni "Jeux Interdits"- le guitariste était inconnu (quel idée de garder un nom aussi ridicule, et "Marcel"... en plus) la pochette était bizarre - même pas de photo de l'artiste - un dessin d'un certain Mandryka, qui prêchait pour la "BD.", un nouvel art, soi-disant ! Et puis summum, "un livret de tablatures". Comme si les gens allaient commencer à apprendre ce qu'ils écoutaient avec un truc qui n'était même pas du solfège. C'était le début d'une grande polémique.

C'était aussi un énorme risque à cette époque.

Nous avions tous conscience d'être des pionniers et qu'il fallait se serrer les coudes. Le livret de tablatures avait été réalisé en commun chez Jean-Michel; même les frères Jean-Luc et Gérard Charnoz avaient mis la main à la pâte pour les recopier au propre (ils s'étaient occupés des traits si je me souviens bien). Tout le monde s'appliquait. L'honneur m'a été donné d'inscrire les chiffres à l'encre (ils avaient, au préalable, été placé au crayon pour éviter les fautes) et d'écrire les titres. Ceux qui possèdent ce livret savent quelle attention j'y ai porté et peuvent profiter de cette révélation pour faire étudier ma personnalité cachée par un graphologue!

Mandryka réalisa la pochette en une nuit, dessin et couleurs compris. Il n'était pas devenu par hasard celui qui devait participer à notre projet. En fait, Mandryka était un fan inconditionnel de Blues et il prenait à l'époque des cours de "picking" avec moi au Centre Américain, puis au Folk Club, pour pouvoir interpréter lui-même les morceaux des vieux bluesmen qu'il affectionnait (Blind Lemon Jefferson, Révérend Gary Davis, Blind Blake). Souvent il était au cours avec son ami Marcel Gotlieb, qui lui aussi s'intéressait à la guitare. C'est ainsi que j'ai mis le nez dans le monde merveilleux des dessinateurs de BD. J'ai fait bientôt la connaissance de Jean Giraux (alias Gir, alias Moebius), de Jean-Jacques Loup, d'Alexis, de Solé et de bien d'autres qui ont contribué par leurs dessins à la réalisation de mes disques.

Comment s'est déroulé l'enregistrement ?

Le disque en lui-même a été enregistré dans un tout petit studio équipé à l'époque d'un magnéto à quatre pistes seulement "Le studio 12000", rue de Clignancourt. Son propriétaire (Delancray) était aussi je crois le producteur d'un chanteur en vogue Pierre Charby. Robert Gretsch y enregistrait aussi ses disques si je me souviens bien... La location à l'heure du studio (techniciens compris) n'était que de cent francs (hors taxe). Il n'a pas fallu plus de quatre heures pour mettre les 12 morceaux en boite. (NDLR : Marcel avait ce jour là plus de 39° de fièvre) Il faut dire que je les jouais depuis un bon moment et qu'ils représentaient tout ce que j'avais composé à ce jour. Seul "l'Écho des Savanes" (titre bien connu de la revue de BD) ne fut pas enregistré dans cet album, bien qu'existant déjà. Je ne me souviens plus de la raison qui nous l'avait fait écarter. Peut-être était-il encore trop "frais" et que je ne le jouais pas suffisamment bien. Aujourd'hui. avec le temps qui a passé, je peux avouer que j'étais loin d'être celui qu'on avait voulu faire de moi. Même dans "mon" style je n'étais qu'un guitariste très limité.

Pardon?

Oui, j'ai bien dit un guitariste très limité. J'en veux pour preuve cette anecdote du temps où j'enseignais au Centre (vers la rentrée 71). Un jour, un de mes élèves, John Tirford (un anglais). m'a demandé si dans "Saturday Night Shuffle", la position du Fa en barré que je préconisais, ne pouvais pas être remplacée par une position utilisant le pouce de la main gauche, comme le faisaient certains bluesmen qu'il avait eu la chance de voir en concert en Angleterre. J'étais en plein dans ma période des basses alternées régulières selon le schéma invariable : 5e, 4e, 6e, 4e cordes utiliser une telle position obligeait à épouser le schéma : 6e, 4e, 6e, 4e cordes. Pour moi, c'était une hérésie Mais en fait John Tirford avait raison. Cela, je ne l'ai accepté que plus tard, lorsqu'en réécoutant bien les disques de Merle Travis j'ai compris que, non seulement c'était ce qu'il faisait, mais aussi que c'était la base essentielle de son style. Chet Atkins lui-même se servait à profusion de ce pouce honni par les classiques et que par ignorance je rejetais. En attendant, j'avais convaincu John qu'il avait tort. C'était moi le professeur, il m avait cru. Je l'ai rencontré bien plus tard en 1975 lors d'un de mes concerts a Londres, et j'en ai profité pour lui faire mes excuses. Cette petite lumière qu'il m'a apporté sans le savoir m'a sans doute fait gagner des années.

Des choses que je ne comprenais pas sont devenues claires et enfin possibles. Je n'aurais jamais composé des morceaux comme le "Derviche Tourneur" sans ce conseil judicieux de mon élève. Cette leçon, je l'ai toujours en mémoire car elle m'a appris que l'on pouvait apprendre de n'importe qui et à tout moment. Où que l'on soit dans l'échelle des valeurs, il faut faire preuve d'humilité. Seule la prétention peut pousser à dire que ce que l'on ne connaît pas n'est pas bien ou n'existe pas. Cette anecdote vous prouve qu a l'époque, si j'étais meilleur que certains, j'étais loin d'être bon. Le même raisonnement reste valable aujourd'hui.

Pour un guitariste "très limité ", La guitare à Dadi n'a pas mal marché quand même ?

Le disque enregistré fin Novembre 72, est sortit en Janvier 73. Je jouais de la guitare depuis douze années. Là encore, l'amitié a joué en ma faveur. Chacun mettant un point d'honneur à défèndre de son mieux ce disque que, les "grands spécialistes" disaient voué à l'échec. Folk Club a fait les publicités. Des amis journalistes comme Jacques Vassal ( Rock & Folk ) et Hervé Muller ( Best ) l'ont mis en évidence dans leurs colonnes. Si les disquaires le prirent au début pour un disque d'enfant à cause de la pochette (à l'époque, la BD ne pouvait pas être un truc d'adultes!), très vite ils se prirent au jeu de sa diffusion. Ils étaient très intrigués par le nombre de gens qui venaient le réclamer et par sa vitesse de rotation dans les rayons. Des grands magasins comme la FNAC le stockèrent même par piles entières. Je passais moi-même le plus clair de mon temps à la FNAC Châtelet où j'avais sympathisé (et pour cause) avec les responsables du rayon Folk et où je prenais un plaisir non dissimulé à être présenté aux acheteurs avec qui nous échangions des idées ou simplement des vues sur le passé et l'avenir de ce style en France. Certains mêmes, lecteurs de la rubrique dans R & F me posaient des questions précises sur tel ou tel exercice publié précédemment." Étiez vous fier d'avoir été un pionnier?

Il n'y avait aucun mérite à cela. J'avais mon diplôme de kinésithérapeute et je ne pouvais de toutes façon pas le perdre. Au pire, si la musique ne m'avait pas donné de quoi vivre, j'aurais pu aisément redevenir kinésithérapeute. Mes parents étaient rassurés par ce diplôme. Vous connaissez ça : "fais tes études, passes ton diplôme et après tu feras ce que tu voudras !" De toute façon au moment de l'obtention de mon diplôme, ma décision était prise. Je tenterais ma chance dans la musique. Avec le recul je me suis rendu compte que ma véritable chance était de vivre encore chez mes parents, sans autre souci que celui de travailler mon instrument. Si j'avais été marié et père de famille, il en aurait été autrement. J'aurais été kiné de 8 heures du matin à 19 heures le soir. Je serais rentré crevé. Dîner, télé. La guitare pour se distraire les jours de congé quand les enfants font la sieste. Pas de Dadi. Pas de Tablatures. Pas de concerts.

Que pouvez-vous dire sur votre deuxième album "Dadi's Folks"

Mon deuxième album allait me permettre de me départir des critiques sur le premier. Je commençais à entendre: c est toujours la même chose: Boom -tchick, Boom tchik... un vrai métronome. De la technique, mais pas un sou de sensibilité ". J'avais le sentiment d'être incompris. Il y avait quand même du "feeling" dans ce premier album. Évidemment pas le feeling d'un bluesman, puisque j'étais loin d'être malheureux! Il y avait une énorme confusion dans l'esprit des gens entre les genres, la technique et les sentiments. Je prenais d'ailleurs le contre-pied de ce genre de critiques lorsque sur scène j'annonçais : "et maintenant voici un vieux blues traditionnel.., que j'ai composé l'année dernière... Je tiens à signaler que c'est un morceau que je joue avec beaucoup de feeling... Car souvent les gens ne s'en aperçoivent pas... (rires et grincements de dents)... Vous reconnaîtrez les passages bourrés de feeling lorsque je fermerai les yeux et qu'une intense souffrance se lira sur mon visage..." Et j'entamais mon "Swingy Blues", plein de gaîté. Parce que mon feeling à moi c'est la gaité, pas la tristesse. Mon premier disque avait été fait dans un esprit un peu pédagogique. Pour que les gens puissent apprendre, il ne fallait pas partir dans toutes les directions. Ils auraient trouvé cela trop difficile. A la limite, j'ai suscité la critique. Je me suis exposé volontairement à ce: "c'est toujours la même chose". Mais en fin de compte c'était une remarque réconfortante. On se disait qu'on allait pouvoir travailler et y arriver. C'est ce qui s'est passé. Tous ceux qui ont appris les morceaux ont pris conscience de pouvoir faire quelque chose qui, avant, leur semblait impossible. A partir de là, tout le monde était prêt à recevoir le deuxième disque, plus diversifié. On m'a aussi accusé de frimer sur scène. Mais la scène c'est un peu fait pour ça. C'est le monde du spectacle. On vient voir un jongleur faire des trucs que l'on ne sait pas faire. C'est la magie d'un monde qui paraît inaccessible".

Racontez-nous votre première rencontre avec Chet Atkins.

C'était le 24 novembre 1973, je m'en souviens toujours avec émotion. Cher Atkins, lui même, s'était déplacé spécialement pour venir me voir moi, le petit Marcel à Paris. Chet Atkins était pour moi plus qu'une influence: C'était un modèle, une divinité, un personnage mythique vivant au paradis de Nashville dont j'avais fais la capitale de mes rêves. J'ai pratiquement tous ses disques et c'est en les écoutant que j'ai développé mon propre style, en déchiffrant d'oreille les secrets les plus complexes de la technique de mon maître. C'est vrai que je parle toujours de lui, a tout le monde et à tout heure. Certains me reprochent même de lui faire trop de publicité et disent que cela pourrait finir par me faire du tort. D'après eux, il arrivera un moment où les gens choisiront entre ses disques et les miens. Je ne le crois pas, et de toute façon, je ne regretterais rien, car ce ne serait que justice. Alors imaginez la scène lorsqu'un samedi soir je suis rentré chez moi et qu'on m a dit: "quelqu'un a téléphoné pour toi... Quelqu'un qui t'est très cher." Par précaution on m'a fait asseoir et par jeu on m'a fait énumérer tous les noms auxquels je pensais. Mais j'étais à cent lieues d'imaginer ce qui allait m'arriver. J'avais subit tellement de railleries de la part de ma famille au sujet de Chet, que j'ai simplement haussé les épaules en disant : "celle là, on ne me la fait plus." Pourtant, lorsqu'on m'a tendu un papier où était inscrit le numéro de téléphone de l'hôtel où était descendu Chet, le doute m'a soudain envahi. Dès que j'ai réussi a maîtriser mon émotion, j'ai sauté sur l'appareil et composé le numéro du Plazza Athénée, l'hôtel où était descendu Chet. Lorsqu'on m'a passé la chambre du maître, mes oreilles se sont mises à bourdonner. Tout à coup j'ai entendu la voix que j'avais entendue mille fois sur les disques "Live" de Atkins: "Hello Marcel, this is Chet". J'ai cru défaillir. Chet Atkins venait d'achever avec différents artistes américains une tournée en Europe qui l'avait amené à jouer à Londres et dans les capitales scandinaves, (mais bien sûr pas à Paris...)

Un ami de New York, l'éditeur Stanley Mills, lui avait apporté lors de l'une de ses visites régulières à Nashville, le premier album de ce drôle de français qui jouait de la guitare comme lui, et pour qui ce style, pourtant complexe et purement américain, ne semblait pas avoir de secrets. Chet avait été impressionné et s'était promis de ne pas oublier le nom du "frenchie" qui lui avait dédié "Song for Chet" sur ce premier album. Il s'en était souvenu.., et avait décidé de profiter de son voyage en Europe pour faire un bref séjour à Paris avant de rentrer chez lui. Il avait embarqué dans l'aventure Albert Coleman, son chef d'orchestre qui parlait français, et George, son inséparable road-manager. Un coup d'oeil rapide dans le bottin pour y trouver le numéro de téléphone de Marcel et voilà... Rendez-vous était pris pour le soir même. Ce fut LA rencontre historique. On arrosa ça au whisky bien sur. Avec l'innocence de la jeunesse, et n'ayant jamais bu une goutte de whisky de ma vie, j'ai servis à Chet et Albert un verre plein à raz bord ... "Ce sont des américains, avais-je pensé, ils doivent boire çà comme du petit lait". .."Je ne vous décris pas les regards effarés de tous ceux qui étaient présents.

Après quelques minutes nous nous sommes retrouvés chacun avec une guitare dans les mains. Atkins ne s'attendait certainement pas à ma connaissance de son répertoire. Mais ce qui le surprit le plus, ce fût le grand nombre de mes compositions personnelles. La première entrevue se transforma en une sorte d'examen proposé par Albert Coleman.

Je m'y soumettai avec un plaisir à peine dissimulé.. Etait-ce la Providence ou plus simplement une communion inattendue jusqu'au niveau de nos goûts, mais tous les titres que Chet me demanda de jouer étaient parmi ceux que je préférais et que j'avais donc travaillés avec acharnement... Après un certain nombre de demandes, c'est encore Albert Coleman qui proposa un ultime test avec" Le" morceau de choix "When you wish upon a star". Albert semblait vraiment connaître son affaire car ce titre était certainement l'un des plus originaux et des plus difficiles du répertoire de Chet. Peu de gens à cette époque pouvaient prétendre en avoir compris le système. Je m'en acquittai apparemment correctement et l'on décida d'abandonner les guitares pour achever la soirée au "Bilboquet", célèbre club de jazz parisien. Chet lui demanda si l'on pouvait se revoir le lendemain à son hôtel. Je m'y suis rendu flanqué de deux amis, Patrick et Anthony Vrolant... "Deux témoins " dis-je à Chet en affichant un large sourire... "Au cas où personne n'aurait voulu me croire!" Comme par hasard, Anthony était photographe professionnel...

Avant le départ de Chet, nous avons échangé nos adresses et de nombreux projets ont été établis. Je lui ai proposé de venir jouer à Paris; ce dernier m'a répondu que ses ventes en France rendaient cela inconcevable...

C'est en 1974 que vous avez fait votre premier Olympia...

Après une longue tournée provinciale qui s'achevait lors d'un Hootenanny "géant" organisé par Lionel Rocheman le 22 Avril 1974 à l'Olympia, je suis passé en vedette. Bruno Coquatrix, m'a prédit ce jour là une grande carrière. Il m'attendait à la sortie de la scène, derrière le rideau, pour me féliciter: "Vous pouvez me faire confiance car je me trompe rarement Depuis la disparition de Bruno Coquatrix, j'ai toujours gardé d'excellentes relations avec sa famille. A cette époque, j'avais beaucoup d'admirateurs mais aussi beaucoup de détracteurs qui bien souvent ont fait partie de la première catégorie. La popularité est une chose difficile à supporter et l'un de mes objectifs était justement de l'assumer pleinement, avec ses outrances inévitables, mais sans humilité hypocrite. Ce qui manque le plus à mes détracteurs, c'est le sens de l'humour. Ils prennent ce que je dit sur scène au premier degré, ce qui est évidemment la chose à ne pas faire. Mon succès semble les gêner car je n'appartiens à aucune des catégories du système obtus dans lequel ils aimeraient entraver tour ce qui est guitare.

Que dire de " La Guitare à Dadi n°3 " et de la tournée anglaise qui l'a suivie?

Malgré certaines critiques, mon troisième album en Novembre 74 fut alors le meilleur album de guitare sur le marché. Cela m'a ouvert les portes du marché Anglais. Parallèlement, est sortit à la même époque la "Méthode de Guitare à Dadi" aux Editions Chappell; un recueil qui s'est vendu aujourd'hui a plus de deux cent milles exemplaires. Dès la sortie de ce troisième disque en Angleterre, le succès, à ma grande surprise, fut au rendez-vous. Stephan Grossman m'a invité alors à participer à une tournée britannique pendant tout le mois de Mars 1975. Au début de la tournée, lors d'une interview avec Karl Dallas du Melody Maker, le guitariste Stephan Grossman a déclaré : "Je dois mes apparitions et la sortie de mes disques en France aux efforts de Marcel Dadi. Grâce à son action pour faire connaître mon nom et d'autres comme Chet et Doc Watson, nous avons tous pu nous produire sur les scènes françaises. Un soir, je devais jouer au Centre Américain à Paris. Marcel passait avant moi en première partie et je ne le savais pas. Quand je l'ai entendu jouer sur scène, j'ai pensé : l'organisateur doit être fou pour faire jouer un type pareil en première partie de mon spectacle! "Après la soirée nous nous sommes présentés l'un à l'autre ; j'étais très heureux de l'avoir enfin rencontré et nous sommes devenus de grands amis."

Peut-on dire que l'Olympia de 1975 fut un tournant dans votre carrière?

Si l'on considère ce qui s'est passé jusque 1974, je crois pouvoir dire que je n'étais connu que d'une certaine frange du public. Ni la télévision, ni la radio ne passaient mes titres, à tel point que le France-Soir du 2 avril 1975 qui annonçait mon spectacle titrait le Guitariste Marcel DADI, inconnu en France, est déjà célèbre en Angleterre"... Piqués au vif, quelques représentants de la presse allaient se déplacer pour m'écouter. Ce spectacle allait être une véritable surprise pour tout le monde. Il faut avouer que l'on avait préparé le coup. J'ai joué du Country Rock pur et dur, puis avec l'ensemble à cordes de Cyril Dieterich, avec le groupe Il était une fois " et en duo avec Joèlle nous avons chanté For no one " des Beatles.

Il y a eu aussi quelques morceaux de bravoure avec les duo exécutés avec Stephan (Grossman), Garry Peterson, Bill Keith et le Bluegrass Long Distance. La salle archi-comble a surpris tous les spécialistes qui pensaient ne voir qu'un homme seul devant un public restreint. D'ailleurs, l'enregistrement des meilleurs moments du spectacle est sorti quelques temps plus tard sous le titre " Dadi & Friends Country Show

A quand remonte votre premier contact sur le sol américain ?

Au mois de Juin 1975, à l'occasion du NAMM Show de Chicago, salon annuel de la musique. J'y ai rencontré Irving Kratka, directeur de la compagnie discographique américaine Music Minus One". Je lui ai fait écouter mes quatre premiers albums. Il a été emballé et a signé tout de suite un contrat de distribution pour les États Unis et le Canada.

Seuls mes six premiers disques sont sortis aux U.S.A., sur le label Guitar World, créé spécialement pour recevoir mes albums. Après plusieurs années de silence et autres temporisations de la part du sieur Irving Kratka, EMI France, ma maison de disques, ne voyant venir aucune royalties, a décidé de mettre juridiquement fin au contrat qui les liait. Bien que je n'ai moi-même retiré aucun bénéfice pécunier de cet épisode, j'ai longtemps regretté que mes disques aient été purement et simplement retirés du marché américain. Leur simple présence chez les disquaires représentait pour moi un facteur non négligeable de promotion. Après Chicago, je suis allé rendre une petite visite à Chet Atkins et aux musiciens rencontrés à Paris : Charlie McCoy, Buddy Spicher et les autres. J'ai alors décidé de revenir à Nashville au mois d'Octobre pour y enregistrer mes deux prochains albums. Mon vieux rêve allait enfin se réaliser.

C'est à cette époque que la revue Melody Maker vous consacre parmi les huit meilleurs guitaristes acoustiques du monde.

Oui...

C'est tout l'effet que cela vous fait ?

Non...

Bon, et bien parlons un peu de Nashville si vous le voulez bien ?

La première partie de mes enregistrements Nashvilliens est sortie en Mars 1976 sous le titre " Dadi's Picking Lights Up Nashville". Ce disque est un de mes préférés! C'est une véritable session à l'ancienne, un hommage aux sources de la musique Country (la pure )... Mais malgré l'influence américaine, ma musique reste typiquement française. Par ailleurs, j'ai essayé de laisser s'exprimer les qualités des side men, et malgré les mises en garde de certains pros je ne le regrette pas. C'est peut-être parce que j'y entends d'autres artistes que j'aime bien. Le deuxième volume de "Nashville" a été commercialisé en Octobre 1976. On a dit alors que j'étais une véritable institution en France, que chacun de mes disques était attendu impatiemment par des dizaines de milliers de fans comme une manne providentielle et qu'ils se vendaient à une vitesse éclair. On a même conseillé vivement l'écoute de mes disques à ceux qui le matin avaient les idées moroses. De quoi faire perdre la tête. Même si je trouve cela flatteur, je trouve dangereux ce genre de propos. Que cela soit dans la critique ou bien dans l'éloge, il me semble important de garder une certaine réserve car les artistes sont fragiles. S'ils n'ont pas un entourage sain comme j'ai eu la chance d'en avoir un, il y a de quoi faire fondre les fusibles.

Mais il faut avouer que cela peut aussi servir. Mon succès international ne cessait de s'accroître et une tournée de trois semaines en Allemagne a entraîné la sortie de trois de mes disques dans ce pays. Comme cette réputation me précédait, ce fut chaque soir devant des salles combles que les concerts eurent lieu.

En décembre 1977, c'est un Olympia spécial que vous réalisez.

Spécial c'est peu dire. J'avais décidé de faire mieux connaître Chet Atkins au public français. En général, Chet n'acceptait que très rarement de jouer avec d'autres artistes. Comme j'étais à peu près sûr de remplir l'Olympia plusieurs soirs de suite à cette époque, uniquement sur mon nom, j'avais décidé de réaliser ce vieux rêve de placer mon maître tout en haut d'une affiche française. Bien que conscient de la considération que Chet voulait bien me porter, je n'en menais pas large, et seuls les spectateurs avisés ont réalisé que pour moi la vedette du spectacle était Chet. Les trois spectacles furent enregistrés et quelques jours plus tard Chet fut le témoin de mon mariage avec Jerry Barberine (le président de la firme d'Angelico).

Ce mois de Décembre fut inoubliable à bien des égards.

Cela nous amène en 1978, quoi de particulier?

"Dadi & Friends vol. 2 , sous une pochette richement illustrée par Patrick Alexandre. Le texte est dédicace de Chet. L'automne 78 voit la sortie de la Méthode à Dadi "en disque double album et mon ami Guv Béart m'invite à participer à son Olympia en Octobre. Les vacances en quelque sorte.

1979 est un grand millésime pour vous?

Je vois ce que tu veux dire. En effet, début 79, avec la sortie de " Dadi Cool ", mes amis Albert Raisner et Herbert Pagani m'ont remis au nom de la compagnie EMI France, une "Guitare d'Or" venant couronner la vente de mon premier million d'albums en à peine six ans. Je n'avais pas encore pris conscience du temps que j'avais consacré à la guitare et de l'oeuvre que cet instrument m'avait inspiré. Le plus difficile pour moi était d'évaluer la quantité réelle de mon public et surtout sa qualité. Je me demandais combien de gamins de banlieue et d'ailleurs ressemblaient à cet enfant qui rirait une langue de quinze pieds devant Bernard Photzer du temps des Chemises rouges au milieu des années 60'. C'est d'ailleurs un peu le thème évoqué par le regretté Herbert qui avait signé le très joli conte au dos de la pochette dessinée par Cabanes.

Il y a eu aussi l'inauguration du Palais des glaces

Oui, en novembre 79. J'avais fait la connaissance de Georges Arvanitas en Février 1973, aux Ménuires, célèbre station de sports d'hiver alpine où nous avions été invités par la pianiste Yvette Piveteau dans le cadre de l'animation de la station. Nous y donnions chacun un concert. Nous avions tout de suite sympathisé et je me souviens avoir organisé la promotion de la représentation de son trio en concoctant un tract où j'avais moi-même dessiné un portrait de Georges. Ces tracts avaient ensuite étaient distribués dans la galerie marchande aux heures d'affluence, tout en plaçant " aussi des tickets pour le concert aux gens abordés. Le tout dans une ambiance très bon enfant. Bernard Becker, le futur organisateur du Salon de la Musique de Paris, était mon complice pour cette opération, et mine de rien, nous avons réussi à motiver les sportifs du coin et à faire salle comble le soir du spectacle. Pour me remercier, Georges avait la gentillesse de me dédier "Jordu ", un classique du Jazz. C'est aux Ménuires que nous avons fait le projet de jouer un jour ensemble. Il aura fallu plus de six ans pour le voir se réaliser. La première du Palais des Glaces a eu lieu devant un parterre de professionnels avertis invités pour l'occasion par Gilles Paquet, l'attaché de presse le plus couru du métier, mais aussi en présence d'artistes célèbres comme Enrico Macias, Gérard Lenormand, Jean-Jacques Debout et Chantal Goya etc.

Le spectacle a-t-il fait l'objet d'un enregistrement ?

Malgré certaines déclarations en ce sens, le spectacle du Palais des Glaces n'a pas été enregistré, certainement dans l'idée de ne le faire qu'après la tournée en province. Finalement, nous avons profité d'une séance à Nashville pour le disque "Mélodies ", pour enregistrer dans la foulée un second disque d'inspiration Jazz incluant les titres du show avec Georges Arvaniras. Au début, j'ai voulu appeler cet album Progressive Picking ", du nom de celui de Chet Atkins dont je me suis largement inspiré, ceci afin de montrer que je ne cherchais pas à vampiriser l'oeuvre de mon maître, mais plutôt à la faire mieux connaître. Deux titres enregistrés à Paris avec un Big Band ne figuraient pas sur le disque In The Mood " et un medley de Trambone " et de " Salry Dog Rag. Après une âpre discussion avec la maison de disques, il m'avait été imposé de changer de titre au profit de "New Style", soi-disant pour imposer une nouvelle image de moi, plus " médiatique. Mon plus grand problème a toujours été la pénétration en télévision. Bien sûr, mes amitiés m'ont valu d'être invité dans quelques uns des plus grands shows télévisés - Chancel avec Enrico Macias, Drucker avec Guy Béart, Les Carpentier grâce au réalisateur André Frédéric - mais rien de vraiment suivi qui puisse contribuer véritablement au développement de ma carriere.

Justement parlons un peu de vos rapports silencieux avec les médias alors que vous avez également fait un Olympia avec Patrick Sébastien pourtant fort en vue dans le milieu TV

Curieux la communication.. On parle souvent de gens qui vendent peu et vident les salles de spectacles ( pas forcément en bien tour de même ). En revanche, il y a des zèbres qui font les beaux jours des disquaires et jouent à guichets fermés et dont on ne sait rien ou presque. Je crois appartenir à cette seconde catégorie. Et pourtant..., a cette époque, je suis un guitariste qui vend ses 125000 disques de moyenne par référence, soit un peu plus d'un million d'exemplaires vendus en huit albums; un artiste qui fait salle comble à l'Olympia aussi bien que dans les meilleures salles de province ( au Sébastopol de Lille, Salle Poirel à Nancy, à la Bourse du Travail de Lyon...), qui est classé parmi les huit meilleurs guitaristes acoustiques mondiaux, qui est fêté même aux USA. On pourrait penser bizarre ce demi-silence des organes de diffusion et de communication. . .et quelles en sont les raisons Cela tient peut-être au fait que j'ai toujours tenu à rester discret, à ne pas fréquenter les endroits à la mode, à ce qu'on ne connaisse de femme que la mienne. A ce qu'on sache que je ne militais dans aucun parti, ne partais pas en guerre contre les chasseurs d'oursins ou de tortues géantes, ne me faisais pas l'apôtre des paradis artificiels ou de l'amour collectif, ne possédais ni chat, ni chien . . .Bref, ne marchais pas dans le coup des Must, ces nouveaux tabous inventés au nom de la libération tous azimuts. Engagé à part entière du monde de la musique, j'étais le type même de " l'oublié ". Sans un N01 des Carpentier consacré à la guitare, ni Top à Marcel Dadi ou quelque chose de ce genre (il est vrai aussi que je ne faisais pas trop d'appel du pied pour me vendre "). Alors comment se fait-il qu'il y air eu autant de fans dans les salles ? Élémentaire mon cher Watson ! C'est le public qui a décidé. Mais il est certain que les médias autres que la presse spécialisée m'auraient aidé bougrement s'ils avaient voulu s'intéresser au public du Country Rock.

C'est un appel ou une récrimination?

Je t'ai déjà dit que je ne connaissais pas la rancune, quant à un appel, si un producteur TV le prend comme tel, je ne lui en tiendrai pas rigueur et suis prêt à le satisfaire... Un peu comme Hugues Aufray si tu vois ce que je veux dire... Dadi et Ovation, deux noms indissociables. Depuis le début de l'année 73, c'est une fidèle complicité qui lie le guitariste et sa guitare. Pour les français, Ovation c'est Dadi. Sa carrière a en effet agi comme un véritable détonateur sur la promotion de ces guitares révolutionnaires.

Que pensez-vous de ce jugement.

Ma rencontre avec la première Ovation s'est faite dans un magasin de musique de Pigalle, quartier bien connu des musiciens pour sa concentration importante de magasins de musique. Il m'arrivait souvent d'aller y faire du lèche-vitrines comme à l'époque où j'avais acheté ma première Martin. Je m'y étais fait quelques amis et parmi eux, Gérard Turban, vendeur à «La Maison du Jazz », rue Victor Massé. Gérard me laissait essayer toutes les guitares que je désirais et il aimait bien entendre mon avis à leur sujet. Ce jour là j'essayais une "magnifique" Gretsch Countrv Gentleman à deux échancrures... la guitare de Chet. Personnellement, je n'ai jamais vraiment craqué pour Gretsch, même si par admiration pour Chet, j'ai plusieurs fois essayé de me convaincre que je pouvais jouer dessus. Je trouvais la finition exécrable, les bois de qualité douteuse; Bref, j'étais plutôt admirateur de Gibson et cela sans doute en grande partie grâce à mon admiration pour Merle Travis. J'étais à la recherche d'une guitare qui puisse réellement satisfaire mes attentes au niveau du son, du manche, de l'esthétique. Depuis plusieurs mois, j'avais vendu ma D18, préférant ne plus avoir de guitare que de me forcer à jouer sur un instrument devenu totalement inadéquat..." J'aimerais que tu essayes une guitare étonnante que je viens de recevoir " m'a proposé Gérard en me tendant un instrument dont la caisse était une coque arrondie en fibre de verre. Ce fut le coup de foudre ! Je renais entre les mains une Ovation Balladeer acoustique, instrument d'une puissance surprenante avec un manche très agréable bien que malheureusement un peu trop étroit pour moi.

Dommage ... pensai-je tout haut. "Je peux te faire rencontrer le distributeur français, il a beaucoup de problèmes pour vendre ses guitares. Tu sais, avec les folkeux. Ce n est pas évident de placer une guitare en " plastique ". Il cherche un guitariste connu pour en faire la promotion. Je suis certain que tu pourrais arriver à un " deal intéressant si tu y prêtais ton nom. Devant mon intérêt pour sa suggestion, il décrocha le téléphone et appela monsieur Martinet qui rappliqua aussi sec, accompagné de son représentant, Denis Bouvier. L'accord fut immédiat, d'autant plus que je découvris que la gamme était étoffée d'un modèle à cordes acier avec manche large et seulement douze cases hors caisse, mais tant pis! ) et d'un autre à cordes nylon et manche quatorze cases. Toutes deux étaient équipées de l'aujourd'hui célèbre micro piezo Ovation. C'était Byzance! C'est d'ailleurs le modèle Adamas dédicacé par Chet qui sera l'objet personnel que je déposerai dans quelques jours dans le Muséum du Country Hall 0f Fame de Nashville. Pour différentes raisons, dont l'évolution de mon style, j'ai choisi maintenant de jouer sur les guitares Taylor qui sont elles-même de petits bijoux de lutherie.

Dans "New Style", vous soumettez à un lifting vivifiant dix standards impérissables. Cet album, on ne l'écoute pas, on le déguste. Ainsi donc le virtuose cachait l'orchestrateur, le don dissimulait l'intelligence.

Vous vouliez changer votre fusil d'épaule ?

Je ne veux pas que l'on me prenne au piège du jeu des étiquettes. Je ne joue pas du Jazz, j'en interprète quelques grands thèmes en Picking. Je ne suis pas un Jazzman et encore moins un improvisateur. Mes amis de Nashville avec qui j'ai enregistré ce disque font cela beaucoup mieux que moi et c'est pour cela que j'ai fait appel à eux. Ce qu'il est important de savoir, c'est que lorsque je joue ces arrangements seul, ils n'affichent plus cette tendance Jazz suggérée par les orchestrations. Le principe du Picking a toujours été d'harmoniser mélodie, basses et accompagnement sur un seul et même instrument; à partir de là, tout est adaptable en Picking! Je reste attaché aux mélodies fortes et dès que le Jazz devient un peu trop intellectuel, avec des improvisations pleines de méandres, je décroche.. Comme beaucoup de gens d'ailleurs.

Et puis je n'ai pas envie de faire partie d'une élite qui produirait pour un public qui recevrait sans comprendre. Mon évolution se veut lente, mais elle est accompagnée et suivie par les guitaristes qui ont débuté avec mes méthodes et avancé avec mes disques. Pourquoi ne pas permettre aux Pickers de se faire plaisir avec de beaux thèmes, fussent-ils de Jazz. Parmi les grands Jazzmen, j'adore Joe Pass. Il est l'un des rares à respecter toute la grille harmonique du thème pour improviser. Ses improvisations restent toujours très mélodiques et on peut même les chanter. C'est cet esprit que j'ai essayé d'insuffler aux musiciens qui ont collaboré à mes enregistrements, en leur interdisant toute simplification harmonique. Cela demande évidemment plus d'effort, mais le jeu en vaut la chandelle. Je les sais capables de prodiges et mon rôle est de les emmener aux confins de leurs possibilités, pour qu'ils se subliment et que nous dépassions ces limites. C'est aussi un jeu dangereux car très épuisant nerveusement. Le tour est de ne jamais atteindre le point de rupture".

Quels furent ensuite les moments forts de votre carrière?

Tout d'abord la mise au point de la règle à Dadi. Ce fut plus compliqué que le résultat n'y paraît tant, l'utilisation en est simple. Ensuite j'ai fait un Olympia (un de plus) avec Pierre Bachelet, le Carrefour Mondial de la Guitare de la Martinique et le Festival de Cannes en 1990. Parallèlement, je me suis consacré à la vente d'instruments en ouvrant un magasin à Pigalle. J'ai créé puis animé avec de nombreux amis bénévoles les associations Atkins/Dadi à travers le monde, créé également les rendez-vous de la guitare à Issoudun et signé chez EPM avec François Dacla pour deux compilations nommées "Guirar Legend".

C'est là que l'on arrive au monument du "Nashville Guitar Trilogy"

Grâce à François Dacla, j'ai pu réunir un ensemble de musiciens prestigieux. Le but était de tirer le meilleur de chacun d'entre nous en dehors de notre routine quotidienne. Pari ambitieux et quelque peu prétentieux diront nous. Mais un pari tout de même que chacun s'est attaché à relever. J'ai assisté à des séances révélant le fond véritable de notre jeu. Qui peut rester insensible devant le punch vigoureux d'Albert Lee, les riffs aériens de Steve Morse, la souplesse des pleins et des déliés de Bucky Barrett ou encore les traits volubiles d'un Larry Coryell. On se délecte avec les superbes lignes mélodiques qui servent d'écrin au jeu extraordinaire du grand Chet Atkins et à la richesse sonore de sa guitare à résonateur "Del Vecchio". Par ailleurs nous avons eu la chance d'avoir des instrumentistes qui sont LA référence dans leur domaine. Du côté des américains: Buddy Emmons à la Pedal Steel Guitar, Bela Fleck au banjo, Buddy Spicher au fiddle, Craig Nelson à la basse, Kennet Buttrev aux drums (c'est l'ex-batteur d'Elvis Presley), Bob Patin au piano et, last but not least, Charlie McCoy ... à l'harmonica.

Les français ne sont malgré tout pas en reste avec le génial Slim Pezin, arrangeur et directeur artistique de ces sessions, Marcel Azzola roi de l'accordéon-feeling (écoutez ses chorus et vous comprendrez!), Jean Paul Batailley aux percussions subtiles et Raoul Duflot-Verez aux synthés. Si les deux premiers volets de cette trilogie, "Nashville Rendez-vous" et "Fingers Crossing" nous ont permis de nous installer dans un climat d'ambiances plus sophistiquées, car "Country Guitar Flavors" est à la fois serein et plus intimiste, adoptant presque le ton de la confidence. Pourtant, la musique est bien la même, les quelques trente titres de ces trois CDs ayant tous été enregistrés en à peine une semaine au studio SyncroSound, à Nashville. Au total, c'est un répertoire créatif (on ne compte que cinq reprises), véritable vivier de sonorités que nous avons essayé d'explorer avec un dosage approprié de chaque instrument, le tout admirablement servi par une excellente prise de son. Bref ce furent pour moi des journées d'un bonheur intensif et qui marqueront à jamais ma vie. Mais il n'est pas dit que l'on ne recommencera pas.

Nous avons parlé du présent, longuement, et pour cause de votre passé. Quels sont vos projets immédiats ?

Tout d'abord continuer d'importer des instruments de qualités indiscutables, comme les Taylor, Lowden, Lakewood et Heritage. J'aimerais aussi trouver un fabriquant industriel d'excellents amplis acoustiques. Depuis un an, je me suis créé un petit staff pour entreprendre un certain nombre de projets. Nous avons passé des heures à bâtir ce que l'un d'eux appelle technocratiquement " un nouveau plan de carrière". Nous avons monté des projets d'émissions télévisées consacrées à la guitare sous toutes ses formes (afin de combler mes lacunes en la matière). Nous projetons également la création de La Méthode à Dadi sur CD-ROM.

Mon équipe négocie actuellement un nouveau contrat avec une grosse maison de disques afin de réaliser ce qu'elle souhaite à mon grand désarroi, à savoir chanter sur de nouvelles mélodies. Comme je ne suis que compositeur, nous cherchons un ou des auteurs pour cette entreprise nouvelle pour moi. Dés mon retour de Nashville, nous devons signer ce fameux contrat. Mais je ne veux plus en parler car dans le showbizz la superstition est de rigueur. Comme dit le proverbe : « qui vivra verra »

François Magne.

Guitare Planète - N°12 octobre novembre 1996