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Nashville76

«Devant les voyageurs, je m'agenouille et embrasse le sol... »

C'est ainsi que Marcel Dadi Nous décrit sa prise de contact avec la capitale mondiale du Country. Parti aux Etats-Unis, pour mettre en boîte son nouvel album, Marcel nous raconte avec beaucoup d'anecdotes: ses amis musiciens, ses séances d'enregistrement et sa musique. Vingt heures, arrivée à Nashville, devant les voyageurs médusés, je m'agenouille et embrasse le sol!...

Buddy Spicher, à qui j'ai téléphoné la veille, m'attend. Il n'est pas seul: Mick Larie, Pierre Septier et J. M. Redon l'accompagnent. Je savais qu'ils faisaient la tournée des festivals Bluegrass avec leur groupe: « Le Blue­grass Long Distance ». Mais de là à imaginer qu'ils seraient chez Buddy à mon arrivée...

Des « Sinon-chez-toi-ça-va? résonnent dans le hall de réception. Quant à Buddy, il essaie de comprendre et nous fait: Oui, oui, vive le France! Bien entendu, il porte un béret ramené de sa tournée en France.

Nous montons dans la superbe décapo­table de Buddy. Par la suite, on apprendra à ne plus s'émerveiller devant les monstres automobiles américains, tant ils sont courants.

Buddy possède une ferme au sud de Nashville, à Franklin. Il nous faut une bonne heure pour y arriver, elle est magnifique et le terrain ne manque pas. On se croirait dans les terres vallonnées du Massif Central! Dans les granges, chevaux, vaches, poules, etc. Une ferme, quoi!

Nous sommes reçus par la famille de Buddy au grand complet. Tout ce petit monde est chaleureux comme si on se connaissait depuis longtemps.

Les présentations faites, installés dans de confortables fauteuils, nous dégustons l'inévitable café à l'américaine, dont on peut boire un litre et dormir tranquillement, tant il ressemble à de l'eau teintée...

Nous discutons fort tard dans la nuit et la fatigue a raison de nous.

Le soleil nous réveille, ô surprise, quand on sait que j'ai laissé Paris avec un temps plus que maussade. Petit déjeuner, attente devant la salle de bains et hop! Au boulot!

Il faut vous dire que, longtemps avant ma venue, les musiciens pressentis pour les séances d'enregistrement avaient reçu par Buddy une bande où figurait tous les morceaux enregistrés par votre serviteur. Ceci afin qu'ils puissent s'en imprégner et travailler sur les grilles. Plusieurs fois avant mon arrivée, ils s'étaient réunis chez Buddy pour répéter et mettre sur papier les grilles d'accords, les harmonies, etc.

Buddy et moi n'avions plus qu'à véri­fier le tout et à décider de la succes­sion des musiciens dans chaque morceau (ordre des soli, etc.). Ce ne fut pas un travail négligeable, Car il nous fit gagner beaucoup de temps en studio, où le temps passe vite et où le compteur tourne...

Après, il me fallut écrire et dire à quel moment je voulais les parties violons, banjos, etc. Là encore, Buddy, qui écrit la musique à la vitesse où moi j'écris ces lignes, me fut d'un grand secours. Bref, un gros travail qui nous prit tout notre dimanche. Le soir, pour nous détendre, nous sommes allés à Nashville, à l'« Old Time Pickin Parlor», une espèce de petite boutique où se vendent et se réparent seulement les vieux instruments (guitares Martin, mando­lines Gibson, banjos Ode, Baldwin, etc... L'arrière-boutique sert de salle de spec­tacle et, ce soir-là, la salle était archi­comble! Sur scène, le «Country Gazette » dont le bassiste est le leader: Roger Bush.

Il joue avec une technique bizarre: le «Slap ». Au banjo: Alan Munde; à la guitare: Roland White (frère de Clarence, l'ex-guitariste des Byrds); un nouveau «fiddler » (violoniste): Dave Ferguson (successeur de Byron Berline). Le groupe était en France, en juillet, au Festival de Cazals, où je l'avait manqué d'une journée, et y reviendra au mois d'avril avec, en première partie: Blue­grass Long Distance.

En fin de soirée, on nous appelle pour le traditionnel « boeuf ». Mick est bien entendu avec son inséparable mando­line Gibson F 4 de 1923. L'assistance est surprise de voir des Français jouer cette musique. La soirée se termine tard et nous rentrons à la ferme.

Le lendemain, réveil tardif, puis nous partons faire du shopping à Nashville. Pierre, Mick et Jean-Marie sont dans leur vieille Rambler décapotable 1956. On descend à Broadway Street où sont les magasins d'instruments: ShoBud, Grammer Guitares; et de disques: Little Roy Wiggins, Ernest Tubb, Lawrence Bros. Ces magasins voisinent étrangement avec les Sex-Shops et autres lieux... J'ai d'ailleurs remarqué que la musique côtoyait souvent le sexe (New York, Pigalle, etc.).

Dans cette même rue, se trouvent des petits bars où les orchestres locaux jouent tous les soirs. Dans chaque bar, un juke-box avec uniquement des sélec­tions Country. Ça fait tout drôle de ne pas y voir le dernier tube de Claude François... On fait une véritable razzia dans les différentes boutiques. Nous visitons « Alamon où les paires de bottes (jusqu'à 700 $) et les chemises (jusqu'à 200 $) sont parfaitement alignées. On y laisse entendre que Dick Hivers, Eddy Mitchell et Halliday y ont fait un tour...

Après le déjeuner, il est temps de rendre visite à Chet Atkins. Le temps d'un petit coup de fil: "Allô, Chet?","O.K., je t'attends" et, peu après, nous sommes au building RCA (l7th avenue). Joyeuses retrouvailles, présentations et nous voilà assis à écouter le dernier disque du maître: « The night Atlanta burnt » où Chet joue en compagnie de Johnny Gimble et Lisa Silver pour former le « Atkins Strings Ce ». Gimble a tout simplement été élu meilleur U.S. instrumentiste de l'année (violoniste>. D'ailleurs Johnny et Lisa sont prévus à mes séances d'enregistrement, mais Johnny va jouer de la... mandola. Nous en reparlerons. La discussion à bâtons rompus nous amène à la possibilité de la venue en France de Chet Atkins. Je lui annonce que je commence à enre­gistrer le soir même au Studio Quadra­fonic dans Grand Avenue. Ce studio appartient à David Briggs (vu à l'Olympia, au piano, avec E. Mitchell). Chet part pour donner différents concerts et ne pourra y assister. Nous le quittons, Buddy nous attend à une séance hors Nashville. Séance produite par un sheriff de Floride pour une jeune chanteuse! (Là-bas, la musique n'est pas réservée aux professionnels seuls, tout le monde en est imprégné!)

Le studio n'est pas grand, mais bien équipé. Au « fiddle »: Buddy Spicher et Johnny Gimble (leader de la séance), à la pedal steel (MSA): Jeff Newman, à la guitare: Phil Baugh. Les autres ne me sont pas familiers, car ce ne sont pas des vedettes du disque.

Il me faut vous signaler un point important: à Nashville, en studio, un musicien très connu n'est pas payé plus cher que les autres. Le forfait par séance de trois heures est de 100 $ environ; le leader touche 200 $. Ambiance très professionnelle, la chanteuse est prise en direct en même temps que les musiciens. Tout le monde recommence en même temps si besoin est. Mais, l'habitude aidant, tout est bouclé en deux heures.

La séance commence par un travail de mise en place. La chanteuse travaille seule en s'accompagnant à la guitare pendant que chaque musicien codifie lui-même les accords au fur et à mesure. Une espèce de dictée musicale où tous excellent. Le système de notation est très intéressant: on ne note pas le nom des accords, mais les chiffres qui les désignent et sont ainsi valables quelle que soit la tonalité choisie. La fondamentale reçoit le chiffre 1, la quarte: 4, la quinte: 5, etc. On indique un accord mineur en faisant suivre le chiffre d'un trait horizontal. En trois heures, ils pourront enregistrer quatre morceaux. Routine pour eux!<.p>

Il me revient une discussion avec mon producteur et néanmoins ami, J. M. Gal. lois-Montbrun: « J'ai peur que ton disque ne soit qu'un album parmi d'autres si les musiciens ne jouent que les plans qu'ils auront déjà joués sur 2.000 autres morceaux. » Je lui répliquais que je connaissais bien les musiciens de Nashville par leurs propres disques et que s'ils avaient la possibilité de jouer autre chose que la « soupe des classiques », ils n'y manqueraient pas.

Buddy Spicher m'avait d'ailleurs affirmé que mon disque serait l'occasion d'une vaste « éclaterie collective ».

La séance s'achève à 21 heures et nous fonçons au "Quadrafonic". Deux Cadillac attendent déjà devant la porte du studio, celles de Bobby Thompson (l'un des plus célèbres joueurs de banjo des U.S.A., avec Earl Scruggs, Bill Keith et Peter Wernick), et Curly Chaîker (pedal steel MSA double manche), qui a joué dans les meilleurs enregistrements « Western Swing » des années 50 et 60 (nombreuses séances avec Merle Travis). Le bassiste, Dalton Dillingham, revenu à Nashville, officiait en Californie et eut du mal à compter parmi les musiciens demandés, seules ses très grandes qualités le lui permirent. Il joue, par ailleurs, dans l'orchestre symphonique de Nashville et possède une parfaite maîtrise de son instrument. A la batterie, un inconnu pour moi:

Kenny Malone. Je pensais y voir Kenny Butterey (Olympia avec E. Mitchell et Buddy Spicher). Buddy m'explique qu'il pense que Butterey aurait été trop « rock> pour ce que nous voulions faire. C'est ainsi que j'ai découvert K. Malone probablement l'un des plus grands batteurs américains.

Au piano, le très connu David Briggs qui ne connaît qu'un mot français: « fromage »!

Dans la cabine d'enregistrement: Gene Eichelberg devant le tableau de son 24 pistes. Buddy Emmons arrive A Nashville, on l'appelle « The King » ou « Big E ». Un grand respect l'accom­pagne. 21 h. 45, la porte du studio s'ouvre, entre un chapeau melon sur une salopette: M. Buddy Emmons. Petite moustache et cigare au bec. Immense éclat de rire! On se met en place et j'ai l'impression de ne m'être jamais senti aussi petit de ma vie. Jean-Marie et Pierre ont le même sentiment. On distribue les scores de « James Robertson Parkway ». Chacun sait à quel moment prendre son solo. L'ingénieur demande à chacun de jouer pour faire ses réglages et la Session commence. C'est très rapide et Gene explique que chacun peut régler sépa­rément la balance dans son casque, lequel est branché au petit préampli à 3 potentiomètres qui est devant nous. On «tourne» la grille d'accords plusieurs fois pour que chacun mette ses idées en place. Apparemment, tous ont déjà travaillé les morceaux chez eux et cela me remplit d'aise. Puis chacun fait ses commentaires, donne 2 ses conseils sur le tempo, les breaks. La succession des chorus. Ainsi, de petites choses seront modifiées par rapport à la partition originale. L'ambiance est créée, totalement diffé­rente de la séance précédente, comme une complicité plus rapidement établie qu'avec un vocaliste. Tous ces musi­ciens comprennent que je les connais et les vénère depuis longtemps. Bien des choses sont ainsi facilitées. Commencée à 22 heures, la séance s'achève à 3 heures du matin. Un seul morceau est mis en boîte et l'horaire est dépassé de deux heures; cependant, tous les musiciens signeront comme pour une séance normale. C'est un clin d'oeil de leur part, montrant que mes séances sont, pour eux, «autre chose, une occasion de prouver qu'ils ne sont pas seulement des accompagnateurs, mais de vrais musiciens.

Le studio est réservé pour 22 heures le lendemain et malgré la fatigue procurée par « d'autres » séances d'enregistrement, ils auront tous travaillé sur les deux morceaux que nous avons choisis d'enregistrer. Buddy, qui n'aura qu'une séance à 18 heures, travaillera toute la journée avec moi sur mes nouvelles compositions ne figurant pas sur les bandes déjà envoyées.

Au studio Woodland, séance autour de Carol Baker. Les musiciens qui y participent figurent au générique du disque Chet Atkins: "Super Pickers". C'est dire leur talent! Le leader de cette séance est Lloyd Green, célèbre joueur de pedal steel que l'on vit à l'émission « Numéro Un: Eddy Mitchell » dans le reportage sur Eddy à Nashville. On y vit également Chet Atkins jouer "Wheels"

Citons encore quelques noms de cette séance; à la basse: Henry Strezelsky,à la batterie: Larry Londin, au piano, Pig Robbins, à la lead guitar: Bill Sand­ford, guitare rythmique: Ray Edinton. J'avais déjà rencontré Larrie Londin à Chicago, Bih Sandford, Roy Edinton et Bobby Thompson à une séance de Jerry Reed où m'avait convié Chet Atkins. Grande journée pour moi, Chet me présenta Jerry Reed et je me retrouvai bientôt avec la guitare de celui-ci dans les mains. A la demande de Chet, je jouai les morceaux de mon futur album (enregistrés à Nashville) devant une prestigieuse assemblée. La guitare de Jerry était une petite guitare classique allemande, comportant un petit manche et des cordes très rapprochées en nylon (la 14 case frisait à tel point qu'il était difficile de faire la différence entre la note et le bruit !). Cette guitare était électrifiée par un micro Baldwin installé sur le chevalet, un peu le principe des Ovation acoustiques électriques. En fait, je devrais dire le contraire, car Charlie Kaman, Président de Ovation, filiale de l'importante Kaman Corporation, m'a expliqué que les micros Baldwin existaient bien avant ceux qui équipent les Ovation. Des pourparlers furent engagés pour l'équipement éventuel des Ovation acoustiques avec des micros Baldwin. Les tractations ayant échoué, Jim Rickard, ingénieur de chez Ovation, mis au point un micro dont les qualités surpassaient celles de Baldwin. C'est ainsi que naquit le micro à pontets en céramique Ovation.

Revenons aux séances de Jerry Reed. Celles-ci se passaient sous la direction de Chet Atkins (producteur de Jerry...), et ce qui me frappa, c'est que l'enregistrement de la voix se faisait en même temps que celui des musiciens. Pour se rendre compte du style et des compositions de Reed, écoutez le dernier disque de Dick Rivers où celui-ci a adapté en français plusieurs morceaux de Jerry.

Fermons cette parenthèse pour nous retrouver à mes propres séances au Studio Quadrafonic. Séance à 22 heures, deux titres à mettre au point dans le style Bluegrass: « Billy the Keith »(dédié à mon talentueux ami banjoiste Bill Keith) et «Buddy's Dance» (dédié au violoniste Buddy Spicher). Nous nous proposons d'enregistrer en premier l'assise rythmique sur laquelle seront enregistrés les différents soli. Je prévois de faire appel à B. Keith pour les parties de banjo en duo avec Bobby Thompson. Ils seront réunis pour la première fois sur un disque, alors que l'on signale entre eux une vieille rancoeur à propos de la découverte du « Style Keith ». Bobby serait le premier à l'avoir découvert et Bill l'aurait fait connaître en jouant avec Bill Monroe (appelé le "Père du Bluegrass").

Non seulement ce problème n'apparaîtra pas, mais ils s'entendront comme larrons en foire.

Le tempo est très rapide; nous passons plus de temps que prévu sur ces deux titres, ils nous auront donné le plus de peine parmi tous les morceaux enregistrés.

Le mercredi et le jeudi, scénario identique. Les séances sont épuisantes, plus mentalement que physiquement. Nous nous donnons quelques jours de répit afin de réécouter ce qui est mis en boîte et pour faire le point.

Nous reprenons le lundi suivant, à raison de deux ou trois séances par jour.

Samedi, Billy Keith, qui vient de son domicile de Woodstock en avion, élit domicile avec Buddy et moi à la ferme. J'explique à Bill ce qu'il lui faut apprendre. Tout est écrit, mais la complexité des suites et la vitesse d'exécution demanderons à Bill et Bobby des heures de travail en commun. Travail intense, inhabituel pour ces musiciens de séance et qui leur apporta bien des joies.

Samedi soir, nous descendons au Grand Ole Opry, retransmis par radio WSM' Nashville. Au Grand Ole Opry, temple de la Country Music, où j'ai joué en juin dernier dans le show de George Morgan, on se retrouve devant 6.000 spectateurs venus de tous les coins des U.S.A. en autocars! C'est une vaste entreprise commerciale où figu­rent même des flash publicitaires. Lors­qu'on y joue, on n'est pas seul sur scène, musiciens, chanteurs et autres sont derrière, assis sur des bancs ou debout. Costumes chamarrés et guitares étincelantes se font la cour. La soirée y est une succession de petits shows d'une demi-heure où une vedette en vue se présente en compagnie de ses amis. Dans le show se trouvait Kenny Price. En fait, si j'étais parmi eux ce soir, c'était par piston! Chet Atkins avait demandé à George Morgan de me faire passer dans son show; et quand Chet dit quelque chose, on le croit sur parole! Morgan me présenta ainsi au public: "On joue du Country partout dans le monde, il y a cependant un pays où l'on se s'attend pas à en entendre. Le guitariste qui va jouer maintenant vient de ce pays. Je vais le découvrir comme vous, car c'est Chet Atkins qui me l'a recommandé et chacun sait qu'on peut lui faire confiance! Alors, souhaitez la bienvenue à Marcel Dadi, de Paris, France!".

Inutile de vous dire que dans ses conditions, le trac vous étrangle...

Chet, à peine remis d'une grave opération, avait dû nous quitter; cependant, le lendemain, il me tendit une cassette, souvenir de mon passage au Grand Ole Opry, enregistrée à la radio. Merci, Chet!

Lorsque les séances reprirent le lundi, neuf morceaux sont déjà mis en boîte en quelques 18 heures de studio. Tous ces morceaux ont encore besoin de quelques « Overdub »: le fait de rajouter un ou plusieurs instruments sur un enregistrement déjà existant. Ce qui est rendu possible par l'enregistrement de chaque instrument sur piste séparée. On peut ainsi écouter sa partie sans devoir recommencer le reste.

Les studios ont couramment des pupitres 16 voies/16 pistes. Le Quadrafonic possède une installation 24 pistes. Avec neuf morceaux enregistrés, nous sommes encore loin du compte. Ce lundi, Charlie McCoy et Johnny Gimble se sont joints à nous avec Brenton Banks au piano et Lisa Silver au violon. Charlie McCoy (mieux connu depuis l'Olympia avec E. Mitchell) possède une véritable humilité que l'on retrouve chez tous les "grands", les vrais. Johnny Gimble éclaire les séances de sa gentillesse et de sa grande compétence. Je suis encore stupéfait de ce qu'il "tire" de sa mandola. La mandola est une mandoline 4 cordes accordée plus bas que cette dernière: LA-RE-SOL-DO au lieu de MI-LA-RE-SOL, c'est-à-dire 3 tons 1/2 plus bas. Brenton Banks était le seul « homme de couleur ». ce qui n'a gêné personne, au contraire. Brenton suscitait la sympathie générale et Buddy Emmons semblait l'apprécier tout parti­culièrement. Peut-être les barrières raciales sont-elles exclues du monde musical. Brenton fut prodigieux, plus "jazzy" que David Briggs, il a su apporter aux chorus de piano l'ambiance que je souhaitais. Il avait joué du violon dans un ensemble à cordes formé par Buddy Spicher, Lisa Silver et Johnny Gimble pour certains morceaux nécessitant une mise en valeur de l'harmonie. Les jours suivants, notre rythme fut de trois séances par jour. Kenny dut être remplacé pour une ou deux séances, neuf heures consécutives de batterie représentant une dépense d'énergie considérable. Ses remplaçants furent Larry Londin et Hayward Bishop (une séance chacun). Larry fut un peu frustré, car on ne lui demanda que des tempos de valse, la séance étant réservée à des morceaux lents.

Le mercredi, une seule séance le matin. Chacun en profita pour se reposer. Mick, Jean-Marie et moi, insatiables, nous nous rendons l'après-midi à un concert gratuit et en plein air de Bare­foot Jerry dans l'immense parc de Nash­ville. Plus que la musique, c'est l'ambiance du concert qui nous attire, ainsi que nos amis Wayne Mess (guitare et basse), Russ Hicks (pedal steel guitar) et Jim Colvard (lead guitar) qui jouent dans le groupe.

Des milliers de « freaks » sont au rendez-vous, dont on se demande d'où ils sortent, car Nashville semble désert, on se croirait presque en Californie. "Barefoot Jerry" a toujours été composé de quelques-uns des meilleurs musiciens de Nashville. Cependant, leur emploi du temps en studio leur laissait peu de temps pour jouer sur scène; aussi, peu de gens avaient l'occasion de les voir. Les choses ont changé, bien qu'il y ait eu des changements au sein du groupe, la légende de Barefoot Jerry est restée très vive grâce à son fondateur et 4 membre permanent: Wayne Moss. Barefoot Jerry sortit son premier album alors qu'il était composé de quatre membres; au deuxième, ils étaient cinq, ils sont six à présent: Wayne Mess, Jim Colvard, Warren Hartman (piano), Russ Hicks, Si Edwards (drums) et' Terry Dearmore (basse et vocals).

"Beaucoup de groupes ont essayé de jouer du Country, mais, avec nous, c'est différent, me dit Wayne, nous connaissons la Country Music parce que nous travaillons à Nashville depuis des années; cependant, comme nous venons de tous les coins des U.S.A., nous avons apporté avec nous nos influences Rock et Blues. Ce que nous jouons est ce que nous aimons le plus!".

WAYNE MOSS est né à Charleston, il débuta professionnellement à la guitare à 12 ans et travailla avec différents groupes de Rock'n'Roll, puis deux ans et demi avec Brenda Lee. A cette époque, les sessions d'enregistrement se déroulaient à Nashville dans trois studios avec les huit mêmes musiciens et un grand nombre de producteurs. Wayne s'inséra dans ce cercle fermé et joua ainsi dans de nombreux « hits »Country.

Il s'acoquina ensuite à Kenneth Buttrey pour former le groupe Rock « Les Escorts » et devinrent célèbres un peu plus tard sous le nom de "Charlie McCoy and the Escorts a. Le groupe rassembla ses ressources pour monter un studio dans le garage de Wayne. Par la suite, Moss racheta les parts de ses associés pour devenir le seul propriétaire des studios Cinderella (Cendrillon).

En 1962, Wayne établi comme musicien de studio, pouvant jouer de 16 instru­ments différents, joua avec Roy Orbison, les Everly Brothers, Joe Simen, Timmy Wynette et autres. Il enregistra. avec Simon et Garfunkel, Peter, Paul and Mary, Bob Dylan (« Blonde on Blonde »). Parmi ses amis ayant enregistré à son studio Cindirella, on rencontre: Steve Miller Band, Linda Ronstadt, Tony Joe White, Eric Anderson, Jacky Deshannon, Grand Funk Railroad, Mickey Newbury, Charlie McCoy et... Eddy Mitchell.

Wayne fit également partie des super musiciens qui formèrent « Area Code 615 », un groupe de Country Rock de neuf membres. Deux albums furent enregistrés au Cindirella. Le second eut le Prix du « Meilleur album instrumental contemporain a. Trois des membres du Area Code 615 forment le noyau de Barefoot Jerry.

JIM COLVARD, né à St-Louis (Minesota) gagna de nombreux prix amateurs à l'âge de six ans! A onze ans, deux prix plus importants: le "Ted Mack" et le « Cedric Adams Stairway to Stardom » (porte d'entrée sur la célébrité). Il rejoi­gnit l'« Union » des musiciens. Les quelques années suivantes furent passées à jouer à la radio, à la TV, dans les rodéos, les carnavals et les clubs.

Il enregistra « Six days on the road » avec Dave Dudley en 1960. Plus tard, il accompagna Ferlin Husky en tournée. Après s'être installé à Nashville, il devint un membre régulier du « Ralph Emery TV Show a et commença à travailler en studio. Il enregistra ainsi quatre albums avec le "Nashville Guitars Groupa pour Monument Records".

L'année dernière, Jim a assuré plus de 400 sessions (près de 400.000 $ !), dont les enregistrements de Dolly Parton, Porter Wagoner, Charlie McCoy et Kris Kristofferson.

RUSS HICKS, né à Beckley (West Virginia), débuta à 13 ans sur une steel guitar. Quatre ans plus tard, il deve­nait guitariste d'un groupe Rock. Depuis, Russ a joué du Country à Chicago, du Rythm and Blues à Houson avant de retourner à Beckley diriger un trio Rock, donner des cours de guitare et se marier... Un jour qu'il jouait à la TV, à Florence (Caroline du Sud), Russ fut remarqué par Connie Smith qui l'emmena à Nashville. Il tourna avec lui pendant une année, puis avec Ray Price, Kitty Wells et Bob Luman.

Si EDWARDS apprit à jouer de la batterie avec W.S. Holland, ami de sa famille (lequel jouait avec Johnny Cash). Au lycée, il se joignit à l'orchestre de l'école, puis devint batteur aux Studios Arlue à Jackson (Tenessee).

Après deux ans d'université, il fut engagé dans une production d'Opry­land « I Hear America Singing ». Il joua ensuite avec différents artistes, puis retourna à Opryland pour le « Dixie­land Show ». Puis ce fut Barefoot Jerry. TERRY DEARMORE, né à Oklahoma City, apprit à jouer du violoncelle avant que l'influence d'Hank Williams, de Chuck Berry et des Beatles ne l'amène à la Country Music et au Rock. Il travailla avec Brewer and Shipley et Denis Linde. C'est au cours d'une session avec ce dernier, au Cindirella, qu'il se lia d'amitié avec Wayne Moss.

WARREN HARTMAN vint s'installer à Nashville en 1974. Né à St-Louis, il prit des leçons de piano à neuf ans, aban­donna et ne le reprit qu'à 18 ans. Entre temps, il apprit le saxophone et reçut une bourse d'étude pour l'Ecole de Musique Beckley de Boston. Avant Barefoot Jerry, il tournait avec « Stanley Seamer a, groupe qui a enprgistré un album pour M.G.M. Records.

Le concert dura 1 h. 30. L'ambiance fut chaude et on aurait aimé qu'il dura plus longtemps.

Mes dernières séances eurent lieu le jeudi, après quoi, il ne me restait plus qu'à ramener les bandes avec moi jusqu'à New York et à m'envoler pour revenir à mon cher Paris...

Marcel Dadi