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Interview paru dans Ovation magazine fin des années 70.

En 1971, je ne possedai d'autre guitare acoustique que celle de mes débuts je décidai donc d'en chercher une qui me convienne vraiment. A cette époque, j'étais encore étudiant en kinésithérapie et je donnais depuis quelque temps déjà des cours de picking au centre américain et dans diverses boutiques de Paris. C'est ainsi que j'eus l'occasion de voir et d'essayer ma première Ovation.

Tout était nouveau dans la conception de cette guitare.J'en tombais absolument amoureux. Elle était si facile à jouer! Le chevalet même était mieux adapté, par sa configuration « classique », à mon style de technique. Les chevilles qui servent à maintenir les cordes dans le chevalet des Martin, Gibson, etc., avaient toujours été un handicap sérieux lorsqu'il s'agissait de bloquer les basses. La forme de la guitare faisait qu'on la sentait mieux contre soi, élimi­nant ainsi le contact désagréable des arrêtes que l'on trouve sur les guitares standards. C'était une « Balladeer », le premier modèle de la gamme Ovation à l'époque. C'était début 1973 et mon premier disque venait de sortir. Je l'avais enregistré sur une guitare que m'avait prêtée Steve Waring. Ce disque avait été enregistré en quatre heures seulement sur un quatre pistes dans un petit studio loué à 100 francs de l'heure. Ce qui m'avait séduit sur la D 28 S de Steve, c'était la largeur du manche. Mais cette guitare avait malgré tout le « défaut / qualité » de toutes les Martin dreadnought : de trop puissantes basses. Beaucoup de gens pensent que les Ovation ont moins de basses que les Martin. C'est une erreur. En fait, les Ovation ont de meilleurs aigus, moins faibles. en équilibre avec les basses. Les basses ne dominent pas les aigus et les aigus ne dominent pas les basses. Sur les Martin destinées aux chanteurs qui veulent s'accompagner, l'accent fut volontairement mis sur les basses pour mieux marquer le tempo (un peu comme le ferait une contre­basse). Un autre avantage de l'Ovation sur la Martin: un son mieux équilibré sur toute la longueur du manche, sans "trou" dans les médiums. La largeur du manche de la Balladeer restait le seul obstacle à mon achat. C'est alors que le vendeur me proposa de rencontrer l'importateur Ovation en France. Peu de gens, pour ainsi dire personne, ne s'intéressait à Ovation, et la compagnie Martinet cherchait un guitariste qui accepte de prêter son nom à une action , promotionnelle. Mon premier album avait connu un succès appréciable et on me proposa donc de participer a la promotion d'Ovation en France. Parmi la gamme de modèles disponibles, je trouvai mon bonheur dans l'Ovation Folklore électro-acoustique. Le manche de ce modèle est plus large que les autres, son chevalet mieux placé par rapport à la structure générale, et le micro rend le tout encore plus séduisant. J'enregistrai mon second disque « Dadi's folk » sur toute une pléiade de modèles. Ce disque et mes concerts contribuèrent à faire accepter Ovation du public et des revendeurs.

Ainsi commença l'aventure d'Ovation en France dont on sait le succès. Ma folklore était si puissante qu'il m'arriva de jouer à Bobino devant un millier de personnes sans micro, purement en acoustique. Après la Folklore, ma seconde Ovation fut une Country Artist, modèle à cordes nylon avec 14 cases hors-caisse. Mon deuxième album sortit en novembre 73, juste avant la première visite que me fit Chet Atkins à Paris. Lui aussi aime les guitares à manche large et il apprécia beaucoup mes deux guitares. Au premier salon de la musique de Paris en septembre 73, je fus démonstrateur officiel sur le stand Ovation.

Fin janvier 74, je me rendis à Francfort avec Claude Martinet qui me présenta à toute l'équipe américaine. Tout le monde fut chaleureux avec moi et Dick Della Bernarda m'offrit personnellement un nouveau modèle: l'Euro Classic. C'était une guitare à corde nylon avec un manche plus large que la Country Artist et seulement 12 cases hors caisse. j'utilisai ces 3 guitares sur mon troisième album "la guitare à Dadi n°3", sorti en mars 74. En février 75, je retournai au salon de la musique de Francfort et j'y rencontrai cette fois-ci le président de la compagnie: Charlie Kaman. Charlie est un très bon guitariste de jazz ce fut très Vite le boeuf à deux guitares. Après quelques heures nous étions déjà de vieux amis qui ne se quittaient plus. Le soir au dîner, nous parlâmes « guitare » et je lui expliquai mes concept ions sur un modèle idéal : un manche large, 14 cases hors caisse, une sonorité aussi bonne qu'une guitare avec 12 cases hors caisse (car le nombre de cases hors caisse modifie la position du chevalet au détriment de là puissance de l'instrument) et la disparition de ce gros trou qu'est là rosace, qui crée tant de problème lorsque l'on veut sonoriser l'instrument (Larsen, etc.).

Charlie me regardait et souriait il me dit soudain: Ne répète cela à personne, nous travaillons à l'élaboration d'un tel modèle, exactement ce que tu recherches! J'en ai un prototype à l'hôtel, tu me diras ce que tu en penses. Ce prototype était un des prototypes de l'Adamas que vous connaissez bien aujourd'hui. La table est en graphite et non plus en bois. Le son en était presque incroyable: puissant et clair comme aucun autre instrument. Le nom que lui avait donné Charlie était alors The Master.je voulais l'emmener avec moi mais c'était un modèle top-secret (prototype n°22) et je dus y renoncer. En 75, j'enregistrai mon album n°4 à l'Olympia Dadi and Friends Country Show. Ce devait être mon dernier enregistrement sur une Ovation standard. Les disques suivant (Dadi à Nashville 1 et 2) furent enregistrés sur le prototype n°19 de l'Adamas. A cette époque les prototypes étaient de couleur noire. Mais après un essai sur un écran de télévision, l'équipe de Charlie se rendit compte que ce genre de finition n'était pas adéquate scéniquement parlant. C'est pourquoi il décida de mettre en oeuvre un plan de recherche pour la mise en couleur de la guitare Adamas. Ce n'était pas un mince problème, car à cause de sa faible épaisseur, la table en graphite ne pouvait recevoir plus de 5 grammes de colorant. Au-delà le son ne serait plus le même. La finition au polyester était par cela même rendue impossible.

Mon prototype n°19 que l'on m'avait confié pour mes enregistrements à Nashville m'avait été apporté sur place par Bob Wood. Les premiers essais de coloration avaient été effectués dessus: des petites paillettes disséminées sur toute la surface de la table. La guitare n'avait alors que deux trous: un de chaque côté de l'extrémité de la touche. Tout le monde fut surpris par cette guitare inhabituelle. Charlie attendit avec impatiences mes critiques. Elles furent peu nombreuses. La touche fut raccourcie légèrement car son extrémité gênait le guitariste jouant avec ses doigts (finger-picking). La longueur de la touche avait été augmentée pour compenser l'absence de la rosace qui avait laissé une Large surface vide. Le second point fut la tête. Elle était plate et cela me gênait un peu. Je ne pouvais imaginer une guitare d'une telle classe qui n'ait pas une tête genre classique (comme la Folklore). Charlie fut d'accord et c'est pourquoi les premières Adamas en production eurent une tête «classique ». Plus tard, pour des raisons de fabrication, Ovation revint à la tête plate (type folk).Une autre amélioration fut l'intégration sur les modèles électro-acoustiques, d'un réglage de la tonalité. Aujourd'hui les autres modèles de la marque bénéficient aussi de cette modification. Actuellement je possède 4 Adamas: le prototype n° 19 que l'on peut voir sur les photos de la pochette de mes disques à Nashville, une Adamas bleue que j'avais lors de l'enregistrement de mon disque à l'Olympia avec Chet Atkins, une Adamas lilas que j'ai utilisée pour mon disque 'Dadi Cool' et une Adamas 12 cordes verte qui m'a récemment été offerte par BilI Kaman, fils de Charlie, qui a aujourd'hui pris en main la direction des opérations pour la fabrication des Adamas.

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